La Rose et le Petit Prince

Consuelo et Antoine de Saint Exupéry, à Nice, dans la demeure du Mirador, 1931, ©Succession Consuelo de Saint Exupéry

C’est une figure si bien connue, et pourtant si secrète et mystérieuse dont le nom ne peut résonner sans qu’un certain prince ne soit évoqué. Antoine de Saint Exupéry, écrivain et voyageur qui a su émouvoir l’enfant en chacun de nous était aussi un époux. Celui d’une femme souvent oubliée au profit du globe-trotteur qui a mystérieusement disparu en mer en 1944. Consuelo de Saint Exupéry était pourtant elle aussi un personnage à part entière, muse des surréalistes, amie des grands noms de la mode, elle dévoile aujourd’hui à titre posthume, une collection d’objets, de lettres, de dessins, de manuscrits, qui raconte l’histoire de l’intrépide aviateur, mais aussi son intimité, nous dévoilant avec grâce et délicatesse une histoire d’amour trop souvent oubliée. L’exposition La Rose et son Prince, Histoires et Objets d’une Vie, revient sur cette romance mal connue, qui à travers une impressionnante collection nous fait découvrir une des plus belles et des plus secrètes histoire d’amour de la littérature.

Qui ne connait pas le Petit Prince ? Cette histoire où morale et poésie se mélangent avec douceur, faisant sourire et pleurer son lecteur tour à tour, ce récit écrit par un homme qui a su égaler la légende du personnage qu’il a créé. À sa disparition, le 31 juillet 1944, beaucoup se prennent à penser que l’intrépide aventurier avait rejoint son Petit Prince, sur son astéroïde. Mais peu pensèrent à celle qu’il laissait alors derrière lui. Sa compagne depuis alors quatorze années, Consuelo de Saint Exupéry, avait été effacée par l’aura mystérieuse et fascinante que son époux dégageait. Originaire du Salvador, après de brillantes études et un mariage raté, la jeune femme rejoint Paris dans les années 20, où elle se lie aux artistes bohèmes qui peuplent alors la ville. Elle épouse dans les années suivant son arrivée un écrivain originaire du Guatemala, Enrique Gomez Carrillo. Mais le destin devait en décider autrement : il décède en 1927, lui léguant un important héritage. En 1930, elle participe à un voyage en Argentine organisé pour de nombreux écrivains français, et rencontre alors Benjamin Crémieux, lecteur chez Gallimard, qui devait quelques jours plus tard lui présenter l’homme qui allait changer sa vie : Antoine de Saint Exupéry. Dès lors, la vie de Consuelo change drastiquement, et est rythmée par les voyages de son nouvel amant. Départs et retrouvailles font leur quotidien, mettant leur relation amoureuse alors naissante à rude épreuve. Les absences d’Antoine l’amène à se lier au groupe surréaliste parisien, dont elle devient rapidement la muse et l’égérie, mais également aux grands couturiers de son temps. Proche amie de Salvador Dali, elle en viendra même à peindre dans son atelier, mettant à profit le fruit de ses études en arts plastiques suivis dans ses jeunes années à San Francisco. Esprit créatif à l’image de son mari, Consuelo mène néanmoins en la compagnie d’Antoine une vie chaotique, rythmée par ses absences. Et pourtant, entre ces deux individus se niche une des plus belles histoires d’amour, qui doit aussi sa beauté à ses drames.

Consuelo de Saint Exupéry, avec le buste d’Antoine de Saint Exupéry, ©Succession Consuelo de Saint Exupéry

En 1941, elle le rejoint à New York, mais leur vie conjugale est de nouveau menacée par un désir ardent de l’aviateur de partir au combat dès 1943. En 1944 son souhait se réalise, mais de cette mission il ne reviendra pas. À sa disparition en mer qui surgit brusquement en ce mois de juillet 1944, Consuelo se retrouve alors seule. Dans les années qui suivirent, elle consacra son temps à la rédaction de deux écrits, Oppède, puis Les Mémoires de la Rose, qui ne furent publiées qu’en 2000. Mais ces années qui succédèrent à sa disparition, elle les consacra également à la mémoire de son mari. Ses objets, ses écrits, elle les conserve précieusement et les lègue à sa mort, en 1979, à son ami et unique légataire José Martinez Fructuoso. Cette collection unique voit le jour pour la première fois en 2000, et révèle alors au public une relation qui avait souvent été sous-estimée, si ce n’est même critiquée. C’est un lien précieux que nous découvrons alors, une histoire d’amour passionnée qui se dévoile à travers les pages des journaux de Saint Exupéry, à travers ses dessins, et leurs nombreuses lettres échangées lors des trop longues absences. À travers des objets du quotidien, des souvenirs d’enfance de l’écrivain, des jouets, des livres, des manuscrits, nous découvrons une partie méconnue de la vie d’Antoine de Saint Exupéry, qui est et restera très certainement l’un des écrivains les plus connus et les plus aimés de son temps. Cet héritage sentimental possède alors une valeur patrimoniale inestimable, qui permet aussi au public de découvrir une magnifique histoire d’amour, aussi émouvante que celle du Petit Prince et de sa Rose.

« Consuelo et Antoine de Saint Exupéry, La Rose et son Prince, Histoires et Objets d’une Vie », du 25 janvier au 22 mars 2020, Galerie du Boléro, Chemin Jean-Baptiste Vandelle 8, 1290 Versoix.