La céramique en fête

« Narcisse et Echo » (2020) de l’artiste invitée d’honneur du PCC 24 : Stephanie Marie Roos ©JM Schlorke

Le Parcours Céramique Carougeois s’apprête à faire son grand retour. Cet événement biennal, devenu incontournable pour les amateurs d’art et de céramique, kidnappe son public afin de happer les œuvres de céramistes renommés et émergents. Du 14 au 22 septembre, les ruelles et les nombreuses galeries de la Cité Sarde transmuent en vastes allées où se dévoile la crème de la céramique contemporaine. Cette année, cette 18ème Biennale internationale de céramique contemporaine toujours chapeautée par la Fondation Bruckner sera placée sous la thématique de l’argile comme vecteur de messages et de compréhension du monde. Au programme de cette semaine célébrant l’art de la céramique? Des démonstrations, des ateliers, des visites commentées et des conférences pour échanger avec les artistes et approfondir ses connaissances en la matière.

Tête à tête entêtant avec la pétillante responsable de la Fondation Bruckner et du Parcours Céramique Carougeois (PCC) – Emilie Fargues – qui  nous partage quelques morceaux choisis.

 

Quel est votre parcours au sein de la Fondation Bruckner et du Parcours Céramique Carougeois (PCC)?
Je travaille pour la Fondation Bruckner depuis 2013 et pendant 5 ans j’étais co-responsable avec Mélanie Varin. Quand on a repris la Fondation, nous avons été engagés en même temps. On a tout remis à plat et tout repris en main. Il manquait un suivi et surtout une gestion de la communication dont le site web. Lors de notre arrivée, une biennale devait avoir lieu et on l’a chapeautée mais on s’est davantage approprié la manifestation à partir de 2015 lors de la seconde édition. Nous avions une curatrice externe conviée pour cet événement et j’ai proposé de reprendre cette fonction dès 2017. Je suis céramiste de formation et cela correspondait au profil recherché et surtout à mon envie. Puis, ma collègue Mélanie est partie et Irina Popa est venue m’assister sur ce projet. C’est maintenant le 6ème Parcours Céramique Carougeois (PCC) que je chapeaute et le deuxième que j’organise de A à Z. Même si pour cette édition, j’ai convié Frédéric Bodet que j’ai rencontré dans le cadre d’un salon de céramique contemporain à Paris où l’on offre un prix.

Emilie Fargues, responsable de la Fondation Bruckner et du Parcours Céramique Carougeois (PCC)

Je trouvais enrichissant d’inviter une personne de l’extérieur afin de sortir de la dynamique de certains réflexes, habitudes et vision des choses. Il m’a accompagné dans le choix des artistes. Il m’a permis de découvrir certains talents que je ne connaissais pas dont Stephanie Marie Roos, une artiste allemande plus sculptrice que céramiste qui est notre invitée d’honneur. Elle illustre bien la thématique suggérée par Frédéric: « Des écritures, des images, des messages ». 

Comment dispatchez-vous vos pépites artistiques dans les galeries partenaires?
La programmation des artistes et les collaborations avec notre réseau de galeries Carougeoises est le cœur de mon travail. Il faut également amener des propositions intéressantes, différentes, montrer des céramistes qu’on n’a pas forcément vu à Genève mais il faut que ça colle avec l’univers des galeries, la clientèle et toute une série de paramètres qui sont pratiques aussi. Convier un ou une artiste qui vient de très loin, c’est également un engagement. Là on a une céramiste – Keka Ruiz-Tagle – qui vient du Chili dont une galerie Les Insolites a eu un coup de coeur et ainsi on a dû s’adapter aux contingences. En tout, on a une vingtaine de galeries qui participent à PCC et auxquelles on propose 70 artistes. Et il faut savoir que l’on attend 10 ans avant de re-convier un artiste sauf cas exceptionnel lorsque ce dernier propose un travail complètement différent de l’année d’avant. Il reste des cas particuliers comme la NOV Gallery qui a un angle très précis avec des talents jeunes suisses axés sur le design. C’est un profil qui est très rare en céramique donc la galerie convie pour la 3ème année consécutive, le Zurichois Laurin Schaub en collaboration avec un artiste qui travaille le papier.

Stephanie Marie Roos, invitée d’honneur du PCC exposée chez Maison Pertin

Lorsque je fais les listes, j’imagine déjà où certains siéraient à merveille. Mais parfois, je suis aussi très surprise par le choix de galeristes qui veulent un changement radical. En parallèle, il y a beaucoup de discussions en bilatérales pour ceux qui n’ont pas trouvé leur bonheur. Tout cela prend facilement l’année à gérer avec une thématique à déterminer qui se profile volontairement très large. Cette année, on a opté pour « Des écritures, des images, des messages ».  Ici, on s’interroge sur ce que veulent transmettre comme message les artistes à travers leurs œuvres. Ainsi, Stephanie Marie Roos va aborder des questions sociétales qui peuvent être politiques alors que d’autres vont juste amener du beau en faisant parler l’argile et exprimer leur imaginaire et leur monde intérieur.  

Quels sont vos plus gros challenges à relever pour le PCC?
Dans ce travail, je dirais qu’il s’agit de la multiplicité des collaborateurs dont les artistes, les galeristes, les institutions, les instances locales comme la Ville de Carouge, et une équipe en interne. Je suis un peu comme un chef d’orchestre. Et je n’ai qu’un seul cerveau (rires!). L’enjeu reste que l’événement ait du succès avec le plus de visiteurs. Les galeries font un énorme travail. Chacune doit gérer son exposition et y trouver son compte.

Un crush dans cette édition?
C’est très difficile de répondre à cette question car pour cet événement, je me dédie vraiment à me mettre au service de tous. Je passe au second plan. Je soutiens tout le monde! Pour chaque artiste, il y a un élément qui me parle. Je peux citer Réjean Peytavin qui est un ancien boursier de la fondation. Pour cette édition, il expose dans deux espaces. Il a un profil très intéressant. Ce n’est pas un céramiste pur. Et c’est ce que j’essaie d’apporter dans le parcours, c’est cet aspect transversal. Lui, il en est un parfait exemple. Très créatif et réactif, je lui ai suggéré de proposer une performance. Ainsi, il a créé la Vasomancie (Je vois le vase en vous) qui se dévoile comme une séance de médium où il va dessiner le vase qu’il voit en celui qu’il rencontre lors de sa séance. Ensuite, il va l’interpréter. Pour cette performance, Réjean a travaillé avec une hypnothérapeute. C’est très original, différent et le seul payant (50 CHF) car tout le reste des événements est gratuit mais ici la personne va pouvoir repartir avec le dessin original de l’artiste. D’ailleurs dans le futur, j’aimerais beaucoup développer davantage ce type d’événements et de performances. 

Réjean Peytavin exposé à la Galerie H et chez Peter Kammermann ©PCC24

Est-ce que vous avez une anecdote qui vous a marqué à nous partager de toutes ces biennales organisées?
Il me faudrait du temps afin d’y penser car j’en ai plusieurs mais ce qui me rend fière, c’est qu’avec le PCC on a offert une visibilité à certains artistes. Ainsi, je pense à l’américaine Kate Roberts qui avait exposé en 2017 dans notre ancien lieu central aux Halles de la Fonderie, un magnifique rideau en terre crue de plusieurs mètres de long. Elle m’avait rapporté que cela lui avait donné un joli coup de pouce pour ses expositions qui ont suivies. L’autre lien qui me touche beaucoup également, c’est celui tissé entre les artistes et les galeries et qui permet là aussi d’élargir et faire évoluer la carrière des talents. Cela donne du sens à mon travail. On vit dans un monde où tout est éphémère et le propos de la biennale vient s’opposer à cela. La céramique symbolise le temps long et célèbre les notions du faire. Même si elle est ratée, dans des millénaires, on la retrouvera (rires!). Une fois que c’est cuit, c’est indestructible! On voit qu’en 35 ans, la manifestation perdure et permet de tisser un vrai lien social. Et je vois un vrai engouement grandissant pour cet art.

PCC24 Réjean Peytavin @ Galerie h + Peter Kammermann ©PCC24

 

18ème Biennale internationale de céramique contemporaine

« Des écritures, des images, des messages »,
Parcours Céramique Carougeois 2024
Du 14 au 22 septembre 2024
1227 Carouge, Genève 

www.parcourcsceramiquecarougeois.ch
www.ceramique-bruckner.ch