Kaufmann et Barbier-Mueller, une rencontre évidente

Origine/L’ombre d’un doute de Jacques Kaufmann côtoie une statuette néolithique anatolienne des collections Barbier-Mueller. Musée Barbier-Mueller, photo Luis Lourenço.

 

Sanctuaire des arts lointains, le musée Barbier-Mueller rencontre un artiste implanté sur le territoire helvétique depuis de nombreuses années, Jacques Kaufmann. C’est l’histoire d’un projet qui naît alors de points communs. Des points de convergence entre les créations de l’artiste d’origine marocaine formé à la céramique sur le sol suisse, et les œuvres de la collection du musée, venues des quatre coins du monde. Mais aussi des divergences, bien sûr, que le musée nous propose de découvrir nous-mêmes. Des liens qui se font et se défont, des similitudes qui sont contredites par des différences, mais au final des œuvres qui se côtoient, malgré les années, les continents, les intentions, les significations, qui les séparent. Écarts et Correspondances c’est avant tout une exposition qui nous démontre que l’art n’a pas de frontières, ni de temporalité.

Cette exposition est presque une évidence. D’un côté la plus grande collection privée du monde d’arts lointains, de l’autre un céramiste fasciné par l’ailleurs et ses cultures. Si nous avons l’habitude de voir Jacques Kaufmann habiter le musée de l’Ariana, dont il est devenu un résident permanent grâce à son mur de briques qui serpente dans le parc, c’est dans le musée de la Vieille-Ville que nous le redécouvrons. Comme il l’a déjà fait par le passé, le Musée Barbier-Mueller met en relation les arts lointains et primitifs, à des artistes contemporains, mais cette fois-ci l’exposition a une résonance toute particulière. Passionné de voyage, féru de l’ailleurs, amoureux de la découverte, Jacques Kaufmann traduit ses aventures à travers le travail de la terre, et entre en dialogue avec une sélection d’une soixantaine de pièces de la collection du musée. Côte à côte, nous avons parfois du mal à identifier l’art lointain de la création contemporaine, les cartel nous assurant ou non que nous étions sur la bonne voie. Certains se laisseront prendre au jeu de la comparaison, d’autres nieront peut-être toute ressemblance, mais en réalité l’importance ne vit pas là, plutôt dans l’échange, le dialogue qui se construit entre deux arts pas si différents l’un de l’autre. Des associations qui se ressentent parfois sans être comprises. 

Une figurine punuk d’Alaska et deux statuettes des Cyclades dialoguent avec « Nombril », 2021, de Jacques Kaufmann. Musée Barbier-Mueller, photo Luis Lourenço.

Parmi les pièces exposées, des œuvres grecques, romaines, égyptiennes, africaines, mésopotamiennes ou précolombiennes qui font face à 57 oeuvres de Kaufmann, la plupart de petites tailles – espace restreint oblige – réalisées à différents moments de sa carrière, alors que l’artiste s’envolait pour les quatre coins du monde. Arrivé à Genève en 1963, il suit les cours de céramique de l’École des Arts Décoratifs de Genève de 1974 à 1977, comme élève de Philippe Lambercy. Au fil des années ses projets se multiplient, ses voyages aussi, dont il retire une inspiration sans limite qu’il matérialise dans ses céramiques. Écarts et Correspondances place ses œuvres côte à côte avec des objets précieux dont les techniques, mais par-dessus tout, les thématiques, les formes, les sources d’inspiration se rejoignent. Le corps de la femme, omniprésent, des formes organiques, inspirées par la nature, la vie en quelques sortes qui peu importe les siècles s’écoulant, les kilomètres les séparant, inspirent encore et depuis toujours les artistes. 

Oeuvres du passé, œuvres du présent, ces notions temporelles ne semblent plus capables de contenir aucune valeur. L’art traverse le temps, mais paraît incapable de vieillir, incapable de ne pas se lier au moment présent. Jacques Kaufmann, des artistes anonymes de l’autre bout du monde, leurs œuvres sont différentes oui, mais ils seront tous éternels.  

 

Écarts et Correspondances, jusqu’au 2 octobre 2022, Musée Barbier-Mueller, 10 rue Jean Calvin, 1204 Genève, www.barbier-mueller.ch