JEAN DUNAND : LA MAÎTRISE DE LA MATIÈRE
Jean Dunand, Paravent à six feuilles, Paris, 1926, Bois laqué noir et rouge rehaussé d’or 125 cm x 25 cm (par feuille, Don de Suzanne Dunand, 2014, Inv. AA 2014-0032 © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : F. Bevilacqua
Le Musée d’art et d’histoire ne manque pas de ressources ni d’idées novatrices. Après avoir inauguré leur maxi exposition carte blanche à Ugo Rondinone, le MAH présente une exposition remarquable consacrée à l’artiste genevois Jean Dunand (1877-1942), qui a marqué son temps par sa parfaite maîtrise des différents matériaux, sa polyvalence et son inventivité. Figure prépondérante du mouvement Art Déco et créateur de génie, Jean Dunand fait pour la première fois l’objet d’une exposition entièrement consacrée à son œuvre. Un parcours surprenant élaboré autour des quatre éléments – feu, terre, air et eau – qui rend hommage à un maître genevois de l’artisanat d’art. À découvrir jusqu’au 20 août.
Né à Lancy en 1877, Jean Dunand se forme à l’art du modelage et de la sculpture à l’École des arts industriels de Genève où il se distingue très rapidement comme un ciseleur d’exception. Afin d’approfondir sa formation, il quitte sa ville natale pour se rendre à Paris grâce à une bourse de la Ville de Genève. Là-bas, il se forme à la dinanderie, c’est-à-dire au travail du cuivre, et poursuit ses expérimentations sur les divers matériaux. À la manière d’un alchimiste, il travaille la matière, la transforme et la sublime en créant des objets d’art uniques relevant d’une grande virtuosité et d’une imagination sans limites. Sa manière inédite de métamorphoser de simples objets usuels en œuvres d’art aux décorations élaborées font de lui un artiste incontournable. En 1900, il participe à l’Exposition universelle de Paris comme exposant suisse. Quatre ans plus tard, il ouvre un atelier de sculpture et de dinanderie dans le 14e arrondissement de Paris. Très vite, son talent est reconnu et sa carrière décolle. Ses œuvres mêlent avec une virtuosité et une ingéniosité innovante des matériaux divers comme l’acier, le bois, le cuivre, la coquille, le coquillage, la mosaïque, le stuc et la laque. Sa maîtrise de techniques aussi complexes que laborieuses le démarque indéniablement des autres artistes de son temps.
Toujours avide de nouveautés et désirant repousser les limites de la matière à la manière d’un alchimiste, il s’initie à l’art de la laque en 1912 suite à sa rencontre avec le Maître japonais, Seizo Sugawara. Les panneaux de laque exposés témoignent de sa parfaite connaissance de cette technique asiatique particulièrement rare chez les Occidentaux et de son interprétation personnelle. Ainsi, une scène de chasse rappelant les peintures européennes remplace les habituels motifs japonisants des panneaux de laques asiatiques. Au centre de la salle d’exposition, de sublimes paravents en bois laqué et coloré côtoient des vases mêlant acier et nacre et fusionnant artisanat, art et utilité. Aux murs, des portraits de personnalités de l’époque, dont Joséphine Baker, font face à l’autoportrait de l’artiste réalisé en mosaïque. Enfin, sont présentés plusieurs ensembles majestueux de parures mêlant divers matériaux tels que l’or, le métal, la laque, l’acier, le nacre mais plus étonnant encore : la coquille d’œuf. Un savant mélange des matières qui repoussent les limites de celles-ci pour mieux les sublimer.
Les œuvres exposées proviennent majoritairement du fonds conséquent conservé par le MAH. Elles témoignent de la démarche perpétuelle du musée d’acquérir des œuvres d’artistes locaux. Elles sont complétées par des pièces rarement montrées appartenant à des collections privées dont celle de la famille de l’artiste, mais aussi des musées suisses et français, comme le prestigieux musée du quai Branly-Jacques Chirac.
JEAN DUNAND L’ALCHIMISTE
Jusqu’au 20 août 2023
Prix libre
Musée d’art et d’histoire (MAH)
Rue Charles-Galland 2, 1206 Genève
www.mahmah.ch