Istanbul se pare d’un nouveau bijou muséal

Depuis quelques mois, Istanbul compte parmi ses institutions muséales une nouvelle venue. Le Istanbul Modern ouvrait en juin dernier, ajoutant encore à l’attrait culturel de la ville en inaugurant son premier espace consacré à l’art moderne et contemporain. Pour réaliser cet écrin, c’est l’architecte génois Renzo Piano qui a été choisi. Un premier projet en Turquie pour son studio italien, en collaboration avec Arup Architectes, qui s’est inspiré de l’histoire de la ville et de ce quartier, mais aussi de sa lumière et de son fleuve. Muséum donc, mais le rôle de ce nouveau bâtiment va plus loin. Situé dans un lieu clé de la capitale, à la convergence de plusieurs quartiers, le nouveau bâtiment sert également de point de liaison, venant remplir un rôle social plus large. Scintillant sous le soleil turc, le musée se présente déjà comme un incontournable que l’on visite à la fois pour sa collection et pour sa structure. Go Out ! s’est rendu sur place pour le découvrir. 

 

Après la destruction de l’ancien site, et cinq années de travaux, le nouveau musée Istanbul Modern est sorti de terre cette année. Un projet d’envergure, confié à Renzo Piano, dont l’on peut notamment admirer le travail sur le territoire suisse à Berne, où il a imaginé le futuriste Centre Paul Klee, et à Bâle où lui a été confiée la réalisation de la Fondation Beyeler. Dans la capitale turque, ce mandat remis à l’architecte italien s’inscrit dans un projet plus large, visant à donner un nouveau visage aux quais du Bosphore. Une opération d’envergure, nécessitant la création d’un espace comme lieu de convergence entre les quartiers, un point de repère sur la carte d’Istanbul. Le Renzo Piano Building Workshop s’associe à Arup Architectes, basés à Istanbul, pour imaginer un bâtiment répondant aux nécessités de la fonction muséale qu’il doit remplir, tout en intégrant l’histoire et le présent du quartier dans lequel il s’inscrit. Une démarche qui se traduit dans l’architecture tout en reprenant les codes de Piano, ne manquant jamais d’intégrer transparence et jeux de lumières à ses créations. 

De l’extérieur, le bâtiment rappelle les conteneurs du port voisin, venant s’inscrire dans le présent de la ville et du quartier. Mais depuis le musée, c’est une vue imprenable sur le Bosphore et la Grande Mosquée Hagia Sofia qui s’offre au visiteurs. Une contradiction des époques et des styles qui vient rappeler en un bâtiment unique les différents narratifs de la ville. Du côté des matériaux, les architectes se sont tournés vers d’imposantes plaques d’aluminium. Un choix qui s’inscrit dans une esthétique basée sur la réflexion et les jeux de lumière, enveloppant le bâtiment d’un halo iridescent évoluant au fil de la journée et de la météo. Un rappel visuel aux flots du Bosphore qui jouxte le bâtiment, et qui a constitué une source d’inspiration majeure pour Renzo Piano. 

En pénétrant à l’intérieur du musée, cette sensation d’ouverture et d’espace omniprésente dans le travail de Renzo Piano se fait encore une fois ici immédiatement évidente. Le rez-de-chaussée totalement vitré invite à observer d’un côté la ville, de l’autre le fleuve, depuis l’espace intérieur, les rendant œuvres à part entière du musée. Un imposant escalier ouvert, signature de l’architecte génois, invite les visiteurs à monter à l’étage, avant de finalement rejoindre le toit offrant un panorama privilégié sur Istanbul. 

Côté programmation, le musée propose une gamme impressionnante d’expositions, chacune accompagnée d’un catalogue et promettant une riche expérience culturelle aux visiteurs. On débute avec Floating Islands, présentant 280 œuvres de la collection d’Istanbul Modern et qui est répartie dans les espaces d’exposition permanents et temporaires de la galerie. Partageant son nom avec les masses flottantes de plantes aquatiques qui ressemblent à des îles, cette exposition raconte l’histoire de l’art turc de 1945 aux années 2000. On y trouve les œuvres d’artistes turcs pionniers avec entre autres Fahrelnissa Zeid, Nil Yalter, Sarkis, Ayşe Erkmen, Gülsün Karamustafa et İnci Eviner, ainsi que des stars mondiales telles que Daniel Buren, Mark Bradford, Anselm Kiefer, Alicja Kwade, Laure Prouvost et Haegue. Yang.

On découvre également Always Here, une exposition de 11 femmes artistes soutenues par le Women Artists Fund, et une série de portraits photographiques du cinéaste lauréat de la Palme d’Or Nuri Bilge Ceylan. Dans les locaux du musée, une installation intrigante récemment commandée par Refik Anadol exploite les données environnementales du Bosphore, conférant à l’œuvre une perspective unique. En outre, Istanbul Modern présente l’exposition Genius Loci, offrant un aperçu de l’architecture de Piano. À côté, la bibliothèque accueille l’exposition Constructing Architecture, présentant la documentation méticuleuse du photographe Cemal Emden sur les phases de construction du musée, dévoilant son évolution. Quant aux espaces extérieurs du musée, ils présentent également des sculptures à grande échelle d’Adrian Villar Rojas, Richard Deacon, Tony Cragg, Anselm Reyle et Selma Gürbüz, entre autres. 

Positionné comme un pont essentiel entre le paysage artistique dynamique de la Turquie et la scène artistique mondiale, Istanbul Modern illustre une approche muséologique moderne. En assumant ce rôle d’intermédiaire, le musée témoigne du pouvoir de l’art de transcender les frontières et de cultiver une riche tapisserie de dialogue et d’échange créatifs.