Gen Z, à l’œil nu et au cœur brut

Vue d’exposition GEN Z. Un nouveau regard  © Khashayar Javanmardi/Photo Elysee/Plateforme

Elles ne cherchent pas l’évidence, ces images. Elles déraillent, dérangent, déroutent — et s’imposent. L’une d’elles, captée par Charlie Tallott, s’est glissée jusqu’à notre cover d’octobre, comme un doux uppercut sur le bitume des certitudes. Avec Gen Z, Photo Elysée fait souffler un vent neuf : un cyclone de regards venus des quatre coins du monde pour déborder le cadre, désobéir à la norme, et fissurer le silence. Une expo comme une onde de choc : soixante-six artistes, nés entre deux millénaires et mille fractures, déclinent la photographie en autant de cris visuels, de caresses floues, de révoltes revêtues de velours.
Entrez. Regardez. Restez un moment dans le flou. Là où la lumière s’imprime, une génération prend forme. Et elle ne compte pas disparaître dans le noir.

Une chambre noire pleine de cris
Soixante-six artistes, soixante-six urgences. Qu’ils viennent de Zurich, de Rio, de Johannesburg ou de Tokyo, tous et toutes ont cette même vibration au bout de l’objectif : dire l’époque sans détour, incarner l’intime sans filtre. Vingt ans après reGeneration, Photo Elysée revient à la charge avec une exposition pensée comme un manifeste. Plus qu’un panorama, un miroir brisé — où chaque éclat raconte une autre facette du monde.

Noyan, de la série Noyan 2015-2022 (c) Noyan

Quatre battements d’images

Cartographie d’une appartenance
Chez Francesca Hummler, un œil noir perce à travers un miroir encadré de canards jaunes. Le kitsch devient politique, la salle de bain devient bastion. Avec Vuyo Mabheka, les souvenirs scolaires d’Afrique du Sud se mêlent à des collages d’enfance crayonnée – comme si l’histoire n’était jamais tout à fait adulte. Ici, le foyer est un théâtre miniature, les racines un territoire en gribouillis, l’identité une maquette fragile et subversive.

Francesca Hummler, Das Badezimmer, 2021, de la série Unsere Puppenstube © Francesca Hummler

Réalités mouvantes
Dans Early Retirement, Gabriela Marciniak fait flotter des corps las dans des piscines turquoise : une retraite avant l’heure, comme un naufrage pastel. Et Charlie Tallott, que l’on retrouve sur notre cover d’octobre, capture une échappée belle — ou amère — d’une femme nue, courant sous la pluie comme on fuit une illusion. Le monde tangue, mais l’image tient debout.

Gabriela Marciniak, Untitled 005, 2025, de la série Early Retirement © Gabriela Marciniak

Au-delà du miroir
Dans Shades of Black, Fatimazohra Serri brouille les lignes du visible. Le corps s’efface dans le décor, le voile devient drapeau, le reflet se rebelle. Sara Messinger, elle, nous invite dans une salle de bain encombrée de regards féminins. Selfies, reflets, poses assumées ou inquiètes : un théâtre de l’intime où l’adolescence se met en scène, en meute. Ici, le miroir ne reflète plus — il interroge.

Fatimazohra Serri, Half Seen, Half Imagined, 2023, de la série Shades of Black © Fatimazohra Serri

Has Multiplier les regards
Sophia Wilson propulse une cheerleader dans le ciel américain : c’est le rêve qui prend l’ascenseur social, mais sans garantie d’atterrissage. Daniel Obasi, lui, incarne une “Beautiful Resistance” en plumes et casques de guerrier, sur fond de fumigènes et d’identité queer assumée.

Sophia Wilson, Growing up (c) Sophia Wilson

Et chez Ziyu Wang, une brochette de garçons prend la pose comme dans une vitrine de testostérone marketée — entre humour, hypervirilité et critique sociale. Chaque photo est une prise de position stylée. Un acte doux et radical.

Un catalogue (éd. Textuel, Paris) accompagne l’exposition, avec une préface vibrante de Salomé Saqué — journaliste et voix engagée d’une génération qui ne veut plus qu’on parle à elle, mais avec elle.

Ziyu Wang, Lads, 2023, de la série Go Get’Em Boy © Ziyu Wang

Photo Elysée, Lausanne

Jusqu’au 1er février 2026

Catalogue “Gen Z”, éd. Textuel

Commissariat :Nathalie Herschdorfer, Hannah Pröbsting et Julie Dayer