GemGenève: géométrie précieuse

Le thème de cette 9ème édition de GemGenève: Art Déco ©DR
À GemGenève, on ne taille pas que des diamants : on polit aussi les frontières. Du 8 au 11 mai, ce n’est pas un simple salon qui s’installe à Palexpo, mais une ode à la pluralité joaillière. Une ode chantée à plusieurs voix, plusieurs cultures, plusieurs carats. Pour cette 9e édition, le rendez-vous genevois sort résolument du cadre, comme on s’extrait d’une monture trop rigide. Son titre ? Hors Frontière(s). Sa vocation ? Faire éclater les géographies, les disciplines et les préjugés à coups de pierres précieuses et d’éclats créatifs.
De l’Afrique à la Suisse : tout est entre leurs mains
GemGenève déroule son tapis rouge à l’Afrique, invitée d’honneur d’une édition qui veut dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : le continent n’est pas seulement une terre d’extraction, il est une fabrique de talents. L’exposition It’s All in Our Hands, portée par la Jewellery and Gemstone Association of Africa (JGAA), propulse au premier rang les créateurs africains et afro-descendants. Une initiative qui fleure bon l’audace, entre empowerment, transmission et artisanat d’exception.
Mention spéciale au Nsanshi Art Studio, projet né en Zambie, dont les bijoux résonnent comme un manifeste poétique. Et coup de cœur pour la MasterPeace Academy, entre Birmingham et le Kenya, qui prouve que la formation, c’est aussi une forme d’alchimie. L’Afrique ne demande pas l’autorisation d’entrer dans la haute joaillerie : elle en redessine les contours.
Quand l’Ukraine, l’Arménie et la Chine s’invitent dans la vitrine
Il y a de la résistance dans l’éclat. L’exposition Hidden Treasures, orchestrée par le collectif ukrainien Strong & Precious, réaffirme que la création, même sous les bombes, reste un acte de foi. Cette année, elle s’unit à Volyn Gems pour faire scintiller les béryls, héliodores et topazes made in Ukraine. Du brut, du vrai, du précieux.
Du côté arménien, l’AJA revient avec une escouade de cinq joailliers triés sur le volet. Des pièces comme autant d’héritages sublimés. Une diaspora qui transforme l’exil en élégance et les traditions en lignes de fuite. Et puis il y a la Chine, les États-Unis, l’Australie, la Turquie, la Suisse… Le monde entier entre deux halles, comme un grand atelier d’orfèvrerie à ciel fermé. Les jeunes créateurs s’y bousculent, portés par le Village des Designers, véritable tremplin qui n’a rien d’un bijou en toc.
Art Déco : le passé qui pulse au présent
Mais au cœur de ce tour du monde en haute joaillerie, un fil rouge relie les pierres aux histoires : le thème Art Déco. Graphique, géométrique, radicalement élégant, ce style emblématique du XXe siècle infuse les créations les plus audacieuses de cette édition. Entre réinterprétations modernistes et hommages assumés aux lignes rectilignes, l’Art Déco s’offre une nouvelle jeunesse. À l’image de la créatrice Valérie Danenberg, qui ressuscite le serti perlé avec un chic parisien en bandeau. L’époque inspire, la ligne impose. À GemGenève, le vintage n’est jamais passéiste : il se métamorphose, bijou à bijou, en déclaration d’avenir.
Et pour faire vibrer cette esthétique dans toute sa complexité, GemGenève propose une exposition dédiée à l’Art Déco, comme une traversée lumineuse entre passé et présent. Une sélection pointue de pièces iconiques et de créations contemporaines inspirées de ce mouvement mythique offre aux visiteurs un dialogue visuel saisissant entre les âges. Entre angles saillants, symétries précises et audace chromatique, l’exposition rappelle que l’Art Déco n’est pas qu’un style : c’est une attitude. Celle d’oser la structure sans renier la sensualité, d’imaginer le bijou comme architecture miniature, de concilier rigueur et éclat. Ici, les bijoux parlent Bauhaus, flirtent avec Tamara de Lempicka et dansent sur du Duke Ellington. Et à chaque éclat, une époque se réinvente.
Les nouveaux noms à retenir
Lucas Hage, le Genevois qui joue du Dark Fantasy comme d’autres de la ciselure, ose le cassé, le brut, le symbolique. Il puise dans l’étrange une forme de poésie et transforme l’imparfait en sublime. Elsa Jin, la sculptrice sino-new-yorkaise qui pense chaque bijou comme une confession, travaille la matière comme une mémoire : celle du corps, de l’âme, de l’instant. Ses broches sont des récits sertis, des émotions figées dans l’éclat. Ou encore Villa Milano, qui prend le pari osé de préférer le titane à l’or pour bousculer les lignées. Avec une main dans la tradition et l’autre dans la rébellion, Alice et Francesca Villa réinventent l’orfèvrerie italienne à coups d’acier damassé et de lignes conceptuelles.

Les créations de Lucas Hage ©DR
Et la liste continue : Richard Wu, le Chinois qui fusionne techniques occidentales et héritage oriental avec une maîtrise saisissante ; William Llewellyn Griffiths, l’Australien baroque dont les bijoux gothiques semblent sortis d’un cabinet de curiosités victorien ; ou encore Shavarsh Hakobian, l’Arménien qui, collection après collection, trace son propre sillon avec une sensibilité presque calligraphique. Chacun d’eux ne vient pas seulement exposer : il vient raconter, faire vibrer, questionner. Chaque stand est une histoire, chaque histoire est un bijou. Et chaque bijou, à sa manière, repousse une frontière.
Gouachés et révélations : la relève est là
Enfin, parce que GemGenève pense à demain, un concours de gouaché réunit les talents en formation. Des bijoux dessinés autour d’une pierre offerte. Autour d’un caillou, une étincelle. Celle du futur.
GemGenève ne se contente pas de vendre du rêve : il en façonne les contours. Ce salon n’est pas un marché, c’est une déclaration. Une géographie joaillière en mouvement, qui fait de Genève le cœur battant d’un monde aux mille éclats. Et si vous ne voyez pas encore pourquoi ça brille, c’est peut-être qu’il vous manque l’œil. Celui du passionné.
GemGenève
du 8 au 11 juillet 2025
Palexpo halle 1
https://gemgeneve.com
