le Château de Vault-de-Lugny; voûtes & volupté

Sous le grand tilleul, le Château de Vault-de-Lugny s’étire entre ombre et lumière — refuge de pierre et de silence où huit siècles murmurent à voix basse (c) DR

Deux heures de route depuis Paris, et déjà le tempo change. Les klaxons s’éteignent, les collines s’arrondissent, les arbres se redressent. Au bout du chemin, une grille s’ouvre sur un autre siècle. Bienvenue à Vault-de-Lugny, forteresse d’élégance où les douves respirent, où les pierres gardent le secret d’un temps suspendu.

Fondé en 1120, le château n’a rien perdu de sa superbe médiévale. Murs épais, cheminées monumentales, suites à la noblesse discrète, piscine voûtée comme une crypte aquatique — ici, le passé ne pèse pas, il apaise. La modernité s’y glisse comme une caresse : confort 5 étoiles, potager en éveil, et ce je-ne-sais-quoi de grâce intemporelle qui fait des grands lieux des havres rares.

Boiseries, toile de Jouy et lumière d’après-midi : la chambre murmure la tendresse d’un autre temps (c) DR

Mais la véritable magie se joue à table. Dans la salle du Valucien, la lumière s’attarde sur les assiettes comme sur des toiles. Le chef Franco Bowanee, étoilé depuis 2019, orchestre une cuisine d’auteur où la Bourgogne flirte avec l’île Maurice, son pays d’origine. À ses côtés, la cheffe pâtissière Karina Laval, fraîchement élue Meilleure Pâtissière Bourgogne Franche-Comté 2024 par le Gault & Millau, signe des douceurs d’une précision d’orfèvre. Ensemble, ils forment un duo complice, fusionnel, presque musical.

La Table du Valucien Sous la douce lumière du soir, la table devient confidentielle : un tête-à-tête entre forêt et cristal (c) DR

La carte est un poème en quatre saisons condensé dans une assiette :les asperges blanches de Fleury-la-Vallée en préambule, les cuisses de grenouilles en clin d’œil à la tradition, les langoustines comme un voyage salin, le black bass aux reflets d’étang, les ris de veau comme un cœur battant, et les fraises aux fleurs d’acacia, dessert-paysage, ode aux champs et à la mémoire gustative. Chaque bouchée est une confidence entre le terroir et l’audace, entre le sol et le souffle.

Piscine sous voûte Sous la pierre médiévale, une eau bleue chuchote La piscine du château — chapelle aquatique pour âmes fatiguées (c) DR

Dans cette demeure de 75 hectares, l’air semble plus dense, plus doux aussi. Le silence n’est jamais vide : il palpite du bruissement de l’eau, du froissement des feuilles, du murmure du feu dans les cheminées. On se surprend à respirer plus lentement. À écouter le temps tomber, comme des pétales. Vault-de-Lugny, c’est un luxe à l’état pur — celui du calme, de l’espace, du sens. Un lieu qui ne cherche pas à impressionner, mais à élever.

Entre pierre blonde et palmiers sages, la terrasse invite à savourer le luxe du rien faire — celui d’un café au soleil, d’un livre oublié, d’un instant suspendu (C) DR

 

Un repaire pour ceux qui aiment les nuits étoilées, les plats qui racontent, les séjours qui soignent l’âme autant que le corps. Sous les voûtes médiévales, la modernité se fait discrète, et le raffinement s’exprime en silence. On quitte ce château comme on referme un livre précieux, la tête encore pleine de saveurs et le cœur un peu plus léger.

Les arbres veillent et filtrent la lumière — la forêt de Vault-de-Lugny, c’est un tableau de calme et d’or (c) DR

Franco Bowanee, l’alchimiste des saisons

Il est des cuisines qui respirent la vigne et la mousse des sous-bois, d’autres qui portent le sel de l’océan et les embruns de l’île. Celle de Franco Bowanee, au Château de Vault-de-Lugny en Bourgogne, réunit ces deux respirations : la précision d’une gastronomie française enracinée dans le terroir, et la chaleur parfumée de Maurice, son île natale. Les saisons deviennent son alphabet, chaque légume une strophe, chaque plat une escale poétique. Son ambition ? L’excellence, mais aussi la transmission, comme une partition qui se joue à plusieurs mains. Une cuisine d’ancrage et d’évasion, à la croisée des forêts et des tropiques.
Rencontre avec un chef pour qui chaque légume devient protagoniste, chaque plat une escale, chaque assiette un voyage.

Le chef étoilé Franco Bowanee, maître des saveurs et des saisons au Château de Vault-de-Lugny — entre rigueur de la technique et poésie du goût (c) DR

Vous n’étiez pas destiné à manier le feu ni à dompter les saveurs. Comment cette vocation s’est-elle allumée en vous ?
Au départ, je n’avais pas prévu ce métier! J’ai suivi des études classiques, puis, par hasard, je suis tombé dans la cuisine. Et j’y ai trouvé une évidence. J’ai commencé à l’île Maurice dans les années 2000, travaillé plusieurs années, puis tenté ma chance aux États-Unis avant de revenir en Europe. Ce qui m’a accroché ? Le plaisir immédiat de cuisiner et la créativité infinie.

Entre les sous-bois de Bourgogne et les parfums de Maurice, votre cuisine trace un pont délicat. Comment faites-vous danser la rigueur et la chaleur dans une même assiette ?
C’est une cuisine de saison, structurée par la technique française mais traversée de notes mauriciennes : un zeste de combava, une touche citronnée, une épice discrète. Toujours sans dénaturer le produit. J’aime travailler les légumes comme des joyaux : chaque mois, la carte change pour suivre leur apogée. L’idée est de les décliner, les surprendre, les révéler autrement.

Un ballet de textures et de fleurs : le caviar se dépose comme une pluie noire sur un nuage d’écume (c) DR

On sent chez vous la rigueur d’une école française, mais aussi cette liberté héritée de Maurice. Quels maîtres ont nourri cette double appartenance ?
J’ai eu la chance de travailler six ans avec le chef Nizam Peero à Maurice. C’est lui qui m’a transmis ce regard : associer la rigueur française au terroir local. J’ai aussi appris auprès de Gérard Besson à Paris. Mais, en réalité, mes racines et mon mentorat viennent surtout de l’île Maurice, de cette façon instinctive de mêler produits locaux et haute technique.

Chez vous, le légume n’est jamais une garniture, mais une muse…
Oui totalement! Actuellement, nous sommes sur les courgettes de saison. On les décline en crème, en texture croquante, en légume phare de l’assiette. La semaine prochaine, elles laisseront la place aux tomates, travaillées en plusieurs préparations. J’aime surprendre les convives avec des légumes auxquels on ne donne pas toujours la vedette, comme la betterave ou l’artichaut.

Langoustine, sabayon, salicorne — un paysage marin au bord de la terre (c) DR

Quel est cet ingrédient madeleine de Proust, celui qui vous replonge aussitôt dans les parfums de votre enfance
J’en ai deux : le poulpe, que je pourrais manger et travailler sans fin, et le cèpe, que j’ai découvert en arrivant en France. Cueillir des champignons dans la forêt, c’est une expérience qui m’a marqué : apaisante, sensorielle, presque méditative. Le cèpe est pour moi le roi, puissant, boisé, noble.

Votre tandem avec votre épouse, cheffe pâtissière- Carina Laval, semble couler de source . Comment cette alchimie s’est-elle imposée dans vos assiettes ?Carina et moi avons des parcours parallèles, commencés ensemble à Maurice. Elle se concentre davantage sur les fruits, moi sur les légumes. Ensemble, on crée des équilibres. Son millefeuille à la vanille de Madagascar, travaillé dans une coque croustillante, est devenu une signature. Quant à moi, j’assume volontiers le pigeon, retravaillé en salmis mauricien : un plat d’identité.

Duo d’excellence et de douceur : Franco Bowanee et Karina Laval, deux âmes unies par la précision, l’émotion et la flamme étoilée (c) DR

Quelle est votre philosophie culinaire ?Respecter le produit! Le comprendre, le sublimer, sans le trahir. Ensuite seulement, viser l’excellence. Mais l’excellence n’existe pas sans transmission : il faut que les équipes comprennent le pourquoi de chaque geste. L’un ne va pas sans l’autre selon moi.

Un défi actuel ?
Conserver les équipes, maintenir l’envie, le lien. Le métier est exigeant, il faut écouter, encadrer, motiver. Mon second est à mes côtés depuis 2011, Carina depuis 22 ans : c’est cette fidélité qui fait la force de notre cuisine.

Asperge blanche de Fleury-la-Vallée L’asperge s’y fait reine : noble, droite, délicate, posée comme un trait de lumière sur l’assiette (c) DR

Une anecdote liée au Château de Vault-de-Lugny ?
J’ai été recruté presque par hasard. J’avais cuisiné pour deux clients anonymes dans un restaurant mauricien : c’étaient en réalité les propriétaires du château qui cherchaient un chef. Quelques mois plus tard, je débarquais ici. Depuis, la maison a grandi avec nous : d’une petite table bourguignonne à une adresse reconnue, portée par un vrai projet gastronomique!

Château de Vault-de-Lugny, 11 rue du Château, 89200 Vault-de-Lugny, Bourgogne, France

www.vault-de-lugny.com