Fondation CAB : Cube à Beautés

Entre ciel et calcaire, oliviers et lignes pures, la Fondation CAB s’élève comme un manifeste discret. À Saint-Paul-de-Vence, ce repaire d’esthètes offre une respiration géométrique dans un monde trop bruyant, un refuge pour celles et ceux qui savent que l’art minimal n’est jamais mineur. Un lieu pensé comme un silence habité.

Visite éthérée de cette beauté bétonnée.

Bijou moderniste
À Saint-Paul de Vence, il est un cube qui détonne : la Fondation CAB. Un monolithe minimaliste, à quelques battements d’aile de la mer et de la mémoire de Giacometti. Ici, pas de dorures ni d’ostentations – juste l’épure d’un geste architectural et l’obsession du détail bien fait. Le beau brut, version belge exportée sous le soleil du Midi.

La Fondation CAB et son écrin radical signé Jean Michel Wilmotte (c) DR

Derrière ce lieu hors du temps ? Hubert Bonnet. Collectionneur passionné, entrepreneur à l’élégance discrète, il imagine la Fondation CAB comme une ode au minimalisme, une respiration dans le vacarme visuel ambiant. Après avoir inauguré la première CAB à Bruxelles en 2012 dans un ancien garage Art déco, il réitère l’expérience dans une villa moderniste des années 50, signée Jean-Michel Wilmotte. Le béton, ici, s’écoute autant qu’il se regarde.

À la Fondation CAB sise à Saint-Paul-de-Vence tout est tension et retenue. La lumière glisse, les œuvres respirent, l’espace écoute. Le lieu n’impose rien, il propose. Et dans ses murs — ou plutôt entre ses vides — le minimalisme dialogue avec l’essentiel. On y croise des œuvres de Donald Judd, Dan Flavin, Charlotte Posenenske ou Josef Albers, comme des balises. On s’y perd dans des expositions ciselées, souvent monographiques, toujours pensées avec une précision d’orfèvre.

Felice Varini fait vibrer l’œil entre illusion et architecture : ses cercles orange peints sur la vitre du bookshop transforment l’entrée en une œuvre optique saisissante (C) DR

Supports/Surfaces : quand la toile se libère
Plus qu’un espace d’exposition, CAB Saint-Paul est un laboratoire. De formes, de matières, d’idées. On y célèbre le mouvement Support/Surfaces né dans le sud de la France à la fin des années 60, qui démonte la peinture pour mieux en découdre. Et ce à travers une exposition – Partenaires Particuliers (SUPPORTS, SURFACES, DISSÉMINATION)pensée par Hugo Vitrani ( curateur du Palais de Tokyo) à zieuter entre ombre du figuier et clarté méditerranéenne jusqu’au 29 septembre. Exit le cadre, bonjour l’éclatement. Les noms ? Louis Cane, Noël Dolla, Claude Viallat, Daniel Dezeuze… et d’autres figures majeures de ce courant qui a renversé la table — et tendu la toile sur les arbres. La fondation ne collectionne pas, elle propose. Elle invite. Elle met en tension. Comme un fil tiré entre l’histoire de l’art et les sensibilités d’aujourd’hui.

Partenaires particulaires explore une peinture sans cadre ni frontières, entre héritage radical et gestes contemporains © Antoine Lippens

Vue de l’installation « Partenaires particulaires » © Antoine Lippens

La Fondation CAB ne regarde jamais l’histoire sans l’ouvrir. À côté de ces pionniers du dépouillement, on retrouve des artistes contemporains qui poursuivent ce dialogue avec la matière, la couleur, l’espace. Une passerelle vibrante entre héritage plastique et abstraction présente.

Dans les entrailles modulaires de la maison Prouvé (c) DR

Un art de vivre à la verticale
Et parce qu’on ne pense jamais mieux que dans le silence, le lieu est aussi résidence d’artistes. Un jardin de sculptures, des chambres d’hôtes design, une table d’hôtes signée Omer Bar & Cuisine et une librairie qui cultive le goût de l’objet imprimé : l’ensemble compose un écosystème où l’art vit, dort, et s’expose à la lumière du Sud. Tout respire l’épure. Même le café y a l’air conceptuel. Mais jamais froid. La chaleur vient de l’attention portée à chaque détail, de la justesse des gestes et de la générosité discrète du lieu.

Parmi les trésors discrets du domaine, une maison démontable signée Jean Prouvé — architecte de l’essentiel, artisan du progrès. Posée là comme un éclat d’ingéniosité en tôle pliée, cette structure de 6×6 mètres, pensée en 1944 pour reloger les sinistrés de guerre, raconte une vision audacieuse : celle d’un habitat léger, mobile, et d’une beauté brute. Prouvé y déploie son intelligence constructive : montage express, économie de moyens, lignes franches. Et cerise sur le cube : on peut y dormir. La maison se loue pour une nuit hors du temps, entre design iconique et retraite méditative.

Une fondation qui ne crie pas, mais qui marque
À l’heure où tout flashe, elle choisit la durée. À l’époque du flux, elle préfère la structure. Et depuis cet été, la Fondation CAB s’est alliée à De Bethune — maison horlogère suisse et visionnaire — pour une expérience où chaque seconde prend tout son sens.

CAB, comme une cabane mentale pour amateurs d’alignements, de lumière rasante et de silences éloquents. Ici, on ne vient pas pour “faire une expo”. On vient pour se faire traverser. Par une ligne, une texture, une idée. Pour se réaccorder à une autre forme de perception. La Fondation CAB, c’est l’antidote à l’art consumé, l’antichambre d’un regard retrouvé. En somme, un luxe rare : celui du vide habité.

 

Partenaires Particuliers (SUPPORTS, SURFACES, DISSÉMINATION)

Jusqu’au 2 novembre 2025

Fondation CAB Saint‑Paul de Vence

5766, chemin des Trious

06570 Saint‑Paul de Vence (France)

www.fondationcab.com