Flèche Love: en quête de guérison

Flèche Love ©DR

Une valise pleine de secrets et de questionnements. Tel est souvent l’héritage intergénérationnel pour ceux issus de parcours migratoires lointains. À travers sa trajectoire artistique et personnelle, la chanteuse genevoise, Flèche Love, a réussi à se reconnecter à ses racines amazighes. Cette quête est au cœur de son dernier album Guérison, invitant à une méditation profonde, ponctuée par des rythmes qui incitent à la danse tout en nous consolant. Une expérience quasi magique que nous avons vécue lors de son récent vernissage au Groove, un moment de pur partage. Morceaux choisis. 



Comment vous êtes-vous retrouvée dans la musique et comment avez-vous forgé cette identité unique depuis vos débuts avec le groupe Kadebostany ?

J’ai étudié la musique baroque et grandi entourée des influences de Nina Simone, Édith Piaf, et Férouz, apportées par mes parents mélomanes. Aujourd’hui, je crée une musique plus expérimentale et hybride, difficile à définir, mais profondément ancrée dans une dimension spirituelle et avant tout intuitive. Cette quête m’est apparue naturelle, influencée aussi par mes lectures, notamment le livre “Parasite” qui a inspiré “Naga 1”’ et “Naga 2”.

Quelles sont vos références en musique Amazigh et Kabyle ?

Ma mère a cessé de me parler de l’Algérie et en arabe dès mes 3 ans, désirant s’intégrer pleinement à la culture suisse. Cependant, je me souviens des chansons qu’elle continuait à écouter, dans la voiture ou à la maison, comme celles du légendaire Cheb Hasni, assassiné à l’âge de 26 ans. Cela a maintenu mon lien avec mes origines. Quant aux musiques Amazigh et Kabyle, mon intérêt s’est éveillé récemment, poussée par une envie d’en savoir plus sur mes ancêtres. J’ai dû fouiller pour reconnecter avec ces racines, en étudiant l’histoire des religions et en découvrant des documents tels que les photos coloniales de mes arrière-grand-mères.

Qu’est-ce qui déclenche cette envie de reconnecter avec vos origines ?

Mon parcours musical a été une exploration constante de mon identité et de mes origines. En grandissant, j’ai pris conscience de l’importance de rester connectée à mes racines pour maintenir mon authenticité en tant qu’artiste. Cela ressemble à un arbre qui puise sa force de son sol natal. Plus j’explorais les histoires intergénérationnelles et les traumas hérités, plus je comprenais la profondeur de mon lien avec mon passé. Ce besoin de compréhension et de connexion s’est traduit par un engagement actif dans la recherche de mon héritage, enrichissant ma musique et ma personnalité.

Quel rôle la musique a-t-elle joué dans votre vie personnelle et quel impact espérez-vous avoir sur vos auditeurs ?

La musique est le miroir de notre société et de son histoire. Elle a toujours été ma compagne dans les moments de solitude, me rappelant que je ne suis pas seule. Mon but n’est pas de dicter les émotions ou les réactions de mon public, mais plutôt de créer un espace où ils peuvent trouver résonance ou réconfort. L’interaction avec mes auditeurs lors de concerts ou à travers des retours en ligne est incroyablement enrichissante. Elle me confirme que les liens humains que nous forgeons à travers la musique sont puissants et significatifs.

Votre nouvel album « Guérison » semble être un voyage personnel et artistique profond. Pourriez-vous nous parler de l’inspiration derrière ce titre et ce que signifie la guérison pour vous ?

L’album “Guérison”’ est né de mon voyage personnel vers la compréhension et l’acceptation. La guérison pour moi n’est pas une destination mais un processus continu, un chemin fait de hauts et de bas. Dans cet album, j’explore le concept du temps quantique, où le passé, le présent et le futur coexistent, influençant notre perception de la guérison. Chaque chanson est une étape de ce voyage, reflétant différentes étapes de ma vie et comment elles continuent de façonner qui je suis. Ce n’est qu’après avoir créé ces morceaux que j’ai pleinement réalisé comment ils m’avaient aidée à guérir.

À quel point l’histoire de vos ancêtres a-t-elle façonné votre musique ?

L’histoire de mes ancêtres, en particulier des femmes de ma lignée qui ont vécu des vies de lutte et de résilience dans des sociétés patriarcales, a profondément influencé ma musique. En leur rendant hommage, je me connecte à leur force et leur héritage.

Le titre « Cetus » intègre des chœurs gospel avec des chants sacrés algériens. Pouvez-vous expliquer ce choix ?

Pour “Cetus”, j’ai intégré des chœurs gospel et des chants sacrés algériens pour fusionner mes influences culturelles diverses. Ce choix illustre mon désir de relier le sacré à l’universel, de montrer comment différentes formes de spiritualité peuvent coexister et enrichir notre expérience artistique. La voix de Cheb Anouar, rappelant celle d’un muezzin, ajoute une dimension profonde de nostalgie et de lien spirituel à la chanson.

Comment la spiritualité influence-t-elle votre vie quotidienne ?

La spiritualité est une façon de s’émerveiller du monde, d’être humble, avoir de la gratitude. Elle me permet de rester intègre, de sentir les vibrations, de rester connectée à la terre.