Fête de l’Olivier 2025 : un arbre aux résonances arabes

Sous le souffle de la mer et du vent, son oud devient voile et prière. Dhafer Youssef, maître des passerelles entre Orient et jazz, tisse l’infini dans une seule corde (C) DR

Il y a des festivals qui s’éteignent comme des feux de paille, et d’autres qui s’enracinent, année après année, jusqu’à devenir forêt. La Fête de l’Olivier appartient à la seconde famille : depuis dix ans, ses rameaux de notes et de rythmes tissent des passerelles entre rives, langues et mémoires. Genève en devient l’agora, le temps de trois soirs où l’Alhambra se fait médina, port, caravansérail.

Un olivier peut traverser les siècles : ses racines plongent profond, ses branches s’élancent vers la lumière, son ombre accueille ceux qui cherchent refuge. À Genève, cet arbre mythique a trouvé demeure à l’ICAM – L’Olivier, maison où se tissent les mémoires et les cultures. La Fête de l’Olivier en est l’éclosion festive : chaque concert, chaque rencontre ajoute un rameau à cet arbre commun.

Derrière ce festival, semé par Alain Bittar comme on plante un arbre d’espérance : un lieu-asile où les cultures arabes et méditerranéennes prennent racine, loin des mirages et des murs. Dix ans déjà que cette fête existe, et toujours cette même volonté : faire dialoguer les rives, inviter les Genevois à tendre l’oreille à des langues en liesse qui caressent et qui rappellent que la musique est d’abord une mémoire partagée.

Un piano comme une mémoire, des notes qui se font récits. Faraj Suleiman compose des paysages intimes, entre mélancolie et éclats de liberté (c) DR

Faraj Suleiman — Samedi 13 septembre (concert d’ouverture)
Compositeur et pianiste palestinien, Faraj Suleiman est de ceux qui transforment la tradition en tremplin. Son piano voyage des mélodies arabes aux syncopes du jazz, avec une liberté qui déroute autant qu’elle envoûte. Chaque morceau est une traversée : nostalgie en filigrane, éclat d’humour en détour, énergie de cabaret oriental en déflagration.

Pour inaugurer cette dixième édition, il offre un prélude incandescent, où l’intime se mêle au collectif, où chaque note devient éclat de résistance et de joie. Un concert comme une déclaration : la mémoire se danse, la lutte se chante, et l’espérance s’écrit en musique.

Le feu du chant, la sueur du combat, la transe des cordes. Avec Gnawa Diffusion, chaque performance est une révolte en musique, une danse ardente des peuples en résistance (c) DR


Gnawa Diffusion — Vendredi 19 septembre
Gnawa Diffusion, c’est un sirocco qui souffle depuis plus de trente ans, mené par Amazigh Kateb, fils du poète incandescent Kateb Yacine. Leur musique, c’est un feu de joie où les guembris dialoguent avec les basses électriques, où les kerkabs se frottent aux riffs de guitare. Le reggae y épouse le chaâbi, le jazz courtise le ragga, et le tout prend des airs de gospel maghrébin : une transe qui libère, une danse qui revendique.

Mais derrière la fête, il y a le cri — cri des déracinés, des exilés, de ceux qui refusent les frontières et les inégalités. La voix rugueuse d’Amazigh Kateb porte ce chant collectif, mi-révolte, mi-incantation. Chaque concert devient un manifeste en musique, une clameur qui traverse les rives et rallume l’espoir. À Genève, l’Alhambra s’apprête à se transformer en kasbah électrique : là où le groove se mue en révolte, et la transe en résistance brûlante.

Dhafer Youssef — Samedi 20 septembre
Puis vient la nuit des transes intérieures, celle où le oud devient navire et la voix, voile gonflée par l’invisible. Dhafer Youssef n’est pas seulement musicien : il est chamane des sons, funambule entre le soufisme et le jazz contemporain. Ses graves résonnent comme des abysses, ses aigus s’élancent comme des oiseaux fendant la voûte céleste.

Écouter Dhafer, c’est traverser un désert intérieur, où chaque note est une oasis, chaque silence une prière suspendue. Le temps se dilate, l’espace se courbe, et l’Alhambra devient cathédrale des souffles. Son concert s’annonce comme une extase douce : une méditation collective où l’on ferme les yeux pour mieux voir les étoiles.