Exposition justicière

Jean-François Liegme, archipels de couleurs jaillis du pinceau
Cet été, Quartier Libre SIG rend hommage à un artiste genevois qui aurait fêté son 100ème anniversaire en 2022, Jean-François Liegme. Actif durant les années 1960-1970, il allait devenir un artiste emblématique de la peinture non figurative sur le territoire genevois de son vivant. Mais décédé en 1977 à l’âge de 55 ans, il est resté une figure floue et aussi abstraite que ses œuvres, oublié du grand public. Cette exposition rétrospective qui prend place sur le Pont de la Machine jusqu’au 28 août nous invite à redécouvrir ce peintre qui allait nager à contre courant et secouer la sage Genève par ses toiles audacieuses. On s’y rend pour admirer ses créations colorées, où l’abstrait domine la toile, mais où la lumière et la nature sont, comme il le déclarait alors, omniprésentes. Cet accrochage se focalise sur la fin de sa carrière, où le vocabulaire artistique de Liegme allait atteindre son paroxysme. Une audace saluée par cette exposition qui nous rappelle qu’il n’est jamais trop tard pour redécouvrir l’art.
C’est un des grands oubliés de l’histoire de l’art local. Son nom évoque pour certains un souvenir flou, une figure pendant un temps connue, puis qui peu à peu s’est effacée du paysage avec les années qui sont passées. Pour d’autres c’est un véritable inconnu, disparu il y a maintenant 45 ans, que les institutions ont oublié. Quartier Libre SIG vient remettre un peu d’ordre dans l’histoire de l’art locale cet été en consacrant son exposition estivale au peintre genevois qui allait incarner l’un des rebelles de son temps, alors que Genève est pétrie de réalisme, en se dirigeant vers une approche résolument abstraite de la toile. Durant les années 1960, la peinture figurative règne en maîtresse sans scrupule à Genève et Jean-François Liegme fait partie des quelques courageux, avec un dénommé Charles Rollier, ou encore Hans Erni, à se lancer dans l’art abstrait dans la cité de Calvin. Audacieux au prix de se faire oublier par l’histoire qui laisse de côté ses créations étonnantes et flamboyantes. L’exposition « JF Liegme – archipels de couleurs jaillis du pinceau » vient célébrer les 100 ans de la naissance de l’artiste en se focalisant sur les neuf dernières années de sa vie. Des années sombres pour le peintre qui apprenait alors être atteint d’une maladie immunitaire incurable qui l’emporterait alors qu’il n’avait que 55 ans. Des années sombres oui, mais où sur ses toiles la couleur se fait plus vive que jamais, signant le début d’une nouvelle ère.

Jean-François Liegme, archipels de couleurs jaillis du pinceau
Jean-François Liegme déclarait dans un entretien que ses œuvres étaient pétries de nature, intitulant une de ses séries « Ecorces ». Cependant il est indéniable que sa dernière décennie de créations tendait vers un désir d’autonomie de la peinture en tant que telle, avec pour seul intérêt l’invention plastique. Sur les toiles exposées au Pont de la Machine, on découvre des projections de couleurs dictées par des gestes flous, quasiment hasardeux à l’occasion. Nous avons presque la sensation que Liegme a fait sa carrière à l’envers. Ici, la fin n’est pas le signe d’un affaiblissement, d’une perte de repères, d’un tournant vers le moins bien. Au contraire, ce passionné de nature qui passait des heures à observer les oiseaux, le reste de son temps passé entre l’Ecole des Beaux-Arts de Genève, puis Paris où il retrouve Alberto Giacometti, connaît son épiphanie en 1955, année où lui est délivré son fatal diagnostique, et où paradoxalement son oeuvre connaît son apogée. L’abstrait prend tout à coup le dessus sans compromis, aboutissant à des toiles où le pinceau semble régner en maître, où l’abstraction se fait étonnante, contrôlée et libre à la fois, la sobriété des couleurs nous donnant envie de chercher un sens à ce labyrinthe visuel. Au Quartier Libre, on déambule alors dans ce monde couleur fauve, partant à la redécouverte d’un artiste qui semble enfin sortir de l’ombre pour rejoindre la lumière qu’il affectionnait tant.
JF Liegme – archipels de couleurs jaillis du pinceau jusqu’au 28 août 2022
Quartier Libre SIG, Pont de la Machine 1, 1204 Genève
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