Euphoria, entre rêve et cauchemar

Rue aka Zendaya, le personnage clé de la série Euphoria

Au départ, on a pensé comme vous. Encore une série destinée aux ados avec laquelle on n’accrochera pas, et puis on a tenté. Euphoria, en réalité, n’est pas pour les adolescents. On vous épargnera les détails des scènes plus que graphiques mettant en scène drogue, sexe, et harcèlement. Mais ici pas de glamour, c’est plutôt l’inverse. Au coeur de l’histoire se trouve Rue, une ado droguée et incapable de garder la tête hors de l’eau. Autour d’elle, ses camarades de classe et amis qui, s’ils ne partagent pas son addiction, ont leur lot de problèmes. Malgré son titre, la série HBO est tout sauf joyeuse. L’euphorie se fait rare pour le spectateur qui se laisse emporter dans un tourbillon aussi sombre que fascinant. La série est un succès, et ne cesse de faire parler d’elle. Une raison de plus pour tenter le coup et se lancer dans les deux saisons dont la seconde vient à peine de se terminer. Plongée infernale dans le monde des ados du 21ème siècle. 

 

Sacrée clique 

En observant la vie terriblement mouvementée des adolescents de East Highland, tout à coup nous n’avons plus du tout envie de revivre notre adolescence. Au centre de l’histoire se trouve le personnage de Rue, interprété par Zendaya, toute droit sortie des séries Disney. Son histoire ? Une ado perdue qui s’essaye à la drogue et ne parvient plus à en sortir, voyant son destin devenir encore plus sombre à la mort de son père. L’épisode pilote s’ouvre sur sa sortie de cure de désintoxication, et sa rechute quelques heures plus tard. Le ton est donné. Ici pas de romanticisation de l’abus de substance, la drogue c’est moche et Zendaya parvient à rendre crédible cette ado accro qui semble ne plus rien attendre de la vie. L’hyperréalisme de la série quant au sujet de la drogue (entre scènes d’extase, mauvaises expériences, et overdose) tient certainement à son créateur, Sam Levinson, ancien addict. Au cœur du récit, c’est donc cette bataille infernale qui trône, celle d’une adolescente contre son addiction, naviguant dans les eaux prometteuses des premiers amours. Entre en scène Jules, incarnée par la star des réseaux sociaux Hunter Schafer. Et rapidement il devient évident qu’aucun des personnages de la série n’a été imaginé à la légère. Jules, transgenre tentant de trouver sa place dans le monde, à travers des expériences sexuelles dépeintes de façon des plus graphique, devient rapidement l’objet de toutes les attentions de Rue. Le début d’une histoire d’amour loin d’être simple et clichée, et qui vient s’articuler avec les relations naissantes entre les autres membres du casting. Cassie, Maddy, Lexi, Nate, Fez et Kat entrent à leur tour en scène, dévoilant au fil des épisodes des personnalités complexes en plein développement. Un groupe d’ados qui cherche sa place, et multiplie les erreurs sous nos yeux effarés.

Sombre euphorie 

Car non, le titre et l’affiche pastel presque magique ne donnent pas vraiment le ton. Pour encapsuler l’ambiance d’Euphoria, deux mots semblent parfaitement appropriés : terriblement sombre. L’univers créé par les réalisateurs n’est pas beau à voir. À la drogue consommée par Rue se succèdent les expériences sexuelles glauques de certains, suivies de la relation abusive qui lie Nate et Maddy, alors que l’anxiété semble être la seule chose qui uni tous ces personnages. L’ambiance est loin d’être légère. Si le graphisme des scènes (certains critiques ont compté le nombre d’apparitions de sexes masculins, et il monte à 33 rien qu’en l’espace d’un épisode) ne laisse aucune place à l’imagination et choque par moment, ce sont les scènes qui font place à l’émotion qui marquent le plus. La détresse de Rue pendant le manque, la panique de Kat qui fait l’objet d’une sex tape que ses camarades s’envoient les uns les autres, la sensibilité de Cassie qui n’est vue que comme une jolie blonde écervelée, ou encore la colère incontrôlable de Nate, incarné par Jacob Elordi. Dans l’ensemble, c’est un sentiment de détresse générale qui se dégage d’Euphoria. Une réalité loin d’être belle que les réalisateurs nous font regarder droit dans les yeux et qui ne nous fait souhaiter qu’une seule chose : que ces lycéens aillent de temps en temps en cours et calment un peu le jeu. 

Filmographie acérée 

Au-delà de l’histoire aux multiples rebondissements, c’est aussi l’univers qui nous fait rester. Le choix des couleurs, des costumes, des éclairages et les ambiances auxquelles ces décisions mènent parviennent à aboutir à une série unique en son genre. Résolument esthétique, Euphoria table sans vergogne sur la beauté dans la laideur. La bande-son (Drake est coproducteur de la série…) termine elle le travail en nous entraînant dans un univers éthéré entre rêve et cauchemar, là où se trouve peut-être en réalité l’euphorie.