ENTRE BEAUTÉ ET PÉRIL

Julian Charrière, No Earthly Pole, 2019

On connaissait La Prairie pour son travail axé sur l’innovation et son savoir scientifique de pointe. On saisit instantanément son lien avec l’artiste suisse Julian Charrière et le sens de l’exposition «Towards No Earthly Pole» présentée le mois dernier à la MASI, le musée d’art de Lugano! Tout comme l’enseigne de luxe experte ès peau, le travail de ce dernier vise constamment à repousser les limites du possible avec audace et dextérité. Une collaboration qui coule de source, puisque le travail de l’artiste suisse s’identifie aux principes de La Prairie, issus d’un contexte de recherche. Ainsi, qu’il s’agisse d’une crème ou d’une œuvre d’art, le résultat obtenu s’avère dans les deux cas être la pointe de l’iceberg d’un processus méthodique intense d’exploration et d’expérimentation créative. Travaillant ensemble autour du thème de la lumière, La Prairie et Julian Charrière ont ausculté le pouvoir de cet élément à travers un paysage arctique glacial, apparemment dur au premier abord, mais qui se révèle saisissant et magnifique lorsqu’il est éclairé par la lumière. L’artiste sonde ici la relation entre la civilisation humaine et la nature. De quoi insuffler chez Go Out! un typhon d’inspiration et une cover qui pousse à la réflexion.

Julian Charrière, l’un des jeunes artistes suisses les plus novateurs et les plus prometteurs de sa génération s’est rapidement distingué sur la scène artistique contemporaine en tant qu’explorateur moderne dans une quête artistique conceptuelle associant différentes disciplines et notamment la géologie, l’archéologie, la physique et l’histoire. À travers son travail, Charrière offre des perspectives nouvelles et inattendues sur certaines des problématiques essentielles de notre époque. L’artiste voyage beaucoup, visitant des régions de la planète très éloignées et investies d’une identité géopolitique forte. Avec sa prédilection pour les volcans, les glaciers, les sites radioactifs – où, à l’aide de méthodes et de matériaux non conventionnels, il étudie les tensions et le lien élémentaire qui existe entre la civilisation humaine et les paysages qu’elle habite.

J. Charrière No Earthly Pole, 2019

L’idée du projet «Towards No Earthly Pole» est née en 2017 lorsque Charrière est convié sur un navire de recherche russe pour emprunter le canal de Drake, entre le cap Horn et les îles Shetland du Sud. L’impact concret sur le paysage antarctique et la comparaison avec l’histoire de l’exploration du début du XXème siècle sont à l’origine de ce travail, qui s’est ensuite étendu aux glaciers suisses du Rhône et d’Aletsch, au Mont Blanc, à l’Islande et au Groenland. Le titre de l’exposition et du projet reprend un vers que le poète anglais Alfred Tennyson dédie à John Franklin – décédé avec tout son équipage lors de la dernière expédition polaire de 1845 – et crée un lien immédiat avec l’univers des explorations du XIXe siècle et début du vingtième siècle. À l’époque, les pôles et les glaciers étaient les dernières régions conquises et cartographiées, les dernières frontières de l’homme, pleines de secrets et extrêmement difficiles à franchir. Aujourd’hui, ils sont considérés comme des écosystèmes fragiles à protéger mais restent en même temps les lieux les plus aliénants de la planète et les plus hostiles aux êtres vivants. Des paysages que, malgré la majorité de l’humanité n’a jamais visités, ont toujours été présents dans l’imagerie géographique collective et exercent une grande fascination sur l’homme.

Julian Charrière

A travers ce projet chapeauté par La Prairie, Charrière met en scène les paysages glacés pour explorer la perception changeante de ces lieux fascinants, allant d’une nature sauvage indomptable à un écosystème fragile. L’exposition présentée depuis le 27 octobre dernier auMASI (Museo d’Arte della Svizzera Italiana) a été conçue comme un diorama. Avec une projection en son centre, Charrière a créé une installation environnementale transformant l’ensemble de l’espace d’exposition en un cadre associé aux sujets et thèmes centraux de la vidéo. Le but de l’artiste est d’intensifier la participation du visiteur – par le biais d’une expérience sensorielle- ainsi que le rapport entre l’observateur et le paysage représenté. L’installation environnementale comporte des œuvres existantes réadaptées en fonction ainsi que des nouvelles œuvres, que l’artiste a créées à l’occasion de l’exposition du MASI. Charrière a employé pour l’élaboration de ces nouvelles œuvres des sujets et des ressources naturelles locales, travaillant en partie avec des artisans du Tessin. Avec «Towards No Earthly Pole»,Julian Charrière établit un dialogue avec le paysage et nous pousse à redécouvrir la condition de stupéfaction des explorateurs ainsi que le sentiment d’émerveillement que l’homme éprouvait jadis pour la nature. Défi réussi.

J. Charrière No Earthly Pole, 2019

Towards No Earthly Pole de Julien Charrière
Jusqu’au 15 mars 2020
MASI Museo d’Arte LAC Lugano Arte e Cultura Piazza Bernardino Luini 6, 6900 Lugano

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