Duo gagnant

Derrière le label Botter se cache deux jeunes créateurs néerlandais, Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter. Leur mode engagée s’ébruite à l’international, et entend bien faire bouger les codes.

 

C’est il y a moins de cinq années que Botter a obtenu sa première reconnaissance. Quelques mois après être arrivés en finale du prix LVMH, Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter ont su séduire le jury du Festival de Hyères 2018, présidé par l’illustre designer Haider Ackermann, avec leur marque militante. À l’heure, pré-coronavirus, où la mode prône encore une surconsommation excessive et peine à déployer des moyens concrets en faveur de la planète : le couple ose mettre des sujets épineux, à l’instar de l’urgence climatique, au centre de leur création.

Débuts assumés
En couple pour leur marque comme dans la vie, Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter s’inspirent de leurs histoires communes et personnelles depuis leur commencement. Respectivement inspirés par leur jeunesse exilée en Europe et leurs origines caribéennes, le tandem combine influences multiculturelles et maîtrise de la Couture pour insuffler à leur marque de vêtements une notion distincte du luxe. Avec Botter, ils défendent une vision créative singulière — à la fois inclusive, audacieuse, colorée et positivement rafraîchissante. Si leur volonté est d’exprimer une opinion sur le monde — sur fond de discours environnementaliste et géopolitique —, cela n’entache en rien la proposition joyeuse et pointue de leur mode.

De jeunes lauréats à directeurs artistiques
L’identité de Botter se fait connaître comme celle le la « Caribbean Couture » — à savoir une fusion entre la musique, la littérature, la cuisine, la culture riche et hybride des Caraïbes, avec un regard tourné vers la philosophie de l’Arte Povera, sans oublier une forte conscience de la durabilité. Lors du Festival de Hyères 2018, le duo créatif a défendu une collection poétique et subtile, conceptuelle et inventive, au tailoring déconstruit et versatile, se distinguant à travers des détails de coupes, de matières et une atmosphère distincte. En tant que marque dont l’ADN provient directement de l’une des régions marines les plus biologiquement diversifiées au monde, Botter ne supporte pas d’être témoin de la pollution de l’océan — se fixant alors des objectifs pour embrasser et préserver la nature sous toutes ses formes. Avec tact, humour et une grande maîtrise de la Couture, c’est tout naturellement que le label a été acclamé et s’est vu remettre le grand prix du jury Première Vision de la 33e édition du Festival. Dès lors, tout s’enchaîne à un rythme effréné — caractéristique du secteur de la mode — puisque Lisi et Rushemy sont nommés à la direction artistique de l’historique Maison Nina Ricci.

Un engagement qui se poursuit
Début 2022, le couple annonce quitter leur collaboration avec la Maison de luxe. Après avoir insufflé une nouvelle approche et un certain sens de la modernité à Nina Ricci, ils préfèrent consacrer toute leur attention à Botter. Toujours aussi dévoué, le tandem ressent le besoin quasi-viscéral de porter sa propre marque à un autre niveau. Les enjeux planétaires grandissent, leur désir de s’exprimer aussi. À chaque saison, Botter dévoile une collection qui illustre l’urgence climatique, souvent inspirée d’une esthétique relative au monde marin et utilisant des tissus conçus à partir de plastique recyclé. Après deux ans de pandémie, leur cause semble plus pertinente que jamais. Et pourtant, leur engagement ne s’arrête pas là. Lors de la dernière Fashion Week de Paris, le duo assume sa position face au contexte géopolitique actuel. Teinté d’un bleu outremer et d’un jaune électrique, le défilé des deux designers témoigne de leur solidarité envers l’Ukraine face au conflit que nous connaissons. Si une chose est certaine, c’est que le label n’a pas fini d’élever sa voix… Et ne risque en aucun cas de botter en touche.