DJ REAS: off the record

Mirko Loco B2B Dj Reas – Polaris Festival

Mélomane méticuleux et fougueux, DJ Reas s’est imposé comme une référence de la house music à Genève. Formé au son du funk et du hip-hop dans les années 80, il est booké dans les clubs technos les plus prestigieux d’Europe. Peu enclin à parler de lui-même, ce mastodonte de la musique regrette l’époque où les DJ n’étaient pas au centre de l’attention. Son engouement musical nous a transporté à maintes reprises sur diverses pistes de danses genevoises. Ici, c’est via un tête à tête entêtant qu’on s’est laissé bercer par le parcours de ce collectionneur de musique incontournable dans notre cité. Rencontre.

Comment débute l’histoire DJ Reas ?
À mes 12-13 ans, je suis passé d’une écoute passive à active. J’ai commencé à ressentir la musique avec le hip-hop et je ne pensais qu’à scratcher. Je passais aussi mon temps chez tous les disquaires du canton, à acheter des vinyles. J’ai commencé à mixer sans vraiment savoir ce qu’était être un DJ, et la technique du hip-hop m’a vraiment facilité la tâche lorsque j’ai continué avec la house. Les morceaux comme « Inner City – Big Fun » et « Royal House – Can You Party », ainsi que tout ce que Todd Terry produisait, ont été une révélation pour moi.

Vous souvenez vous de votre premier set ?
Bien sûr, à cette époque, les clubs n’étaient pas vraiment spécialisés dans un genre, donc mon premier set était un mélange de rap, de house, de funk et les quinze minutes indispensables de slow. Je mixais lors de soirées dans les maisons de quartier et les boom party. De bons souvenirs qui restent gravés dans ma tête!

Quel est le déclic qui vous a fait switcher pour devenir DJ ?
À 17 ans, je me fais débaucher par Mirco Meny, le propriétaire d’UDM Records qui me voit traîner chez eux 24h sur 24h à écouter des disques. Sans trop réfléchir, j’ai quitté ma place d’apprentissage de vendeur en télévision. J’ai ainsi eu un accès illimité à des centaines de vinyles. Peu à peu, j’ai commencé à créer un réseau de contacts important dans le monde de la nuit. Mon esprit était en ébullition, je ne pensais qu’à mixer. Mirco organisait aussi des soirées et m’a proposé de me lancer. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de personnes comme lui qui organisaient des soirées house et des raves. J’étais béni des dieux.

Pourquoi la house ?
C’est un style qui s’inspire de tous les genres musicaux qui m’ont marqué. Et aussi, parce que c’est une musique récréative (sous certaines substances). Du moment où vous découvrez la house, vous ne pouvez revenir en arrière! Ainsi, en 1990-1991, je me suis spécialisé dans la house. Je suis rapidement devenu résident car j’étais le seul à jouer dans de grands événements. À cette époque, il n’y avait pas beaucoup de concurrence à Genève, et la scène était plutôt généraliste, avec peu de clubs spécialisés dans un genre particulier. À l’exception de l’Usine qui était plutôt orientée rock’n’roll. En fait, il y avait seulement dans les squats avec un public très underground et dans les clubs tels que le CPM, ancien palais des expositions, et le G.O.S (Galerie of Sound) où l’on passait de la house.

Vous êtes connu pour vos sets millimétrés. Comment préparez-vous ces derniers ?
Je ne prépare pas mes sets ! On ne me croit jamais quand je dis ça ! Les morceaux que j’amène, je les connais par cœur. Ensuite, je m’adapte au public, qui n’est pas prédictible à l’avance. J’ai aussi besoin de 45 minutes pour rentrer dans mon set et démarrer le narratif. Enfin, j’ai le luxe de jouer dans les clubs qui sont professionnels avec une qualité sonore comme l’Audio par exemple. 

Quels sont les DJ qui vous font danser ?
Je suis un peu exigeant, j’aime les DJ qui jouent de tout. J’aime danser aussi donc j’aime les longs sets. Je dirais MoodyMann, Lil Louis et Laurent Garnier.

Vous êtes le seul que j’ai vu mixer avec un téléphone, vous n’utilisez pas de casque ?
Les premiers DJs à utiliser ce type de casque « téléphone » étaient ceux de la scène disco à New York dans les années 70. À cette époque, il n’y avait pas vraiment de casques spécifiquement conçus pour le DJing. Ceux-là, ont été adaptés en fonction des besoins des DJs de l’époque qui cherchaient davantage de liberté pour écouter ce qui se passait sur la piste de danse, et n’étaient pas destinés à être constamment portés sur les oreilles. Je les utilise depuis les années 90. Un ami m’en avait rapporté un de New York, et depuis, je ne m’en suis jamais séparé.

Après trente ans de set, comment votre public a évolué ?
Je ne vais pas dire que « c’était mieux avant », mais je regrette une époque où les DJ n’étaient pas au centre de l’attention. J’ai l’impression que le public actuel sort pour socialiser plutôt que pour danser. Il y a moins de lâcher-prise que je ressentais au début. Ils ne vivent pas le moment présent. Le public cherche à nous adresser la parole, et prendre des vidéos avec nous. J’ai un message à faire passer : don’t talk, dance !

Quel est selon vous le club idéal ?
Mon club idéal serait quelque chose comme le Paradise Garage à New York dans les années 80, avec un son et une ambiance incomparable.

DJ Reas
Disponible sur SoundCloud
www.soundcloud.com/djreas