DISIZ REVIENT ET ON VA S’EN RAPPELER

Le rappeur Disiz se fait poète. Nouvel album, nouvelle mue (c) DR

Le 21 novembre prochain, Disiz posera sa pierre la plus personnelle à ce jour avec la sortie de “On s’en rappellera pas”, son quatorzième album. Après L’Amour (2022), certifié platine, il revient plus déterminé que jamais et la promesse de cette nouvelle œuvre, entre audace musicale et profondeur lyrique, est déjà palpable. On t’emmène plonger dans ce qui fait de cet album un rendez-vous immanquable.

On l’attendait, sans vraiment savoir sous quelle forme il reviendrait. Depuis L’Amour, Disiz s’était fait discret, comme pour laisser retomber la lumière après un succès à la fois critique et public. Mais l’annonce est tombée : le 21 novembre sortira “On s’en rappellera pas”. Un titre qui sonne comme une provocation tranquille, un paradoxe élégant. Parce qu’au fond, on sait déjà qu’on s’en souviendra. Avec cet album, Disiz ne cherche plus à convaincre. Il cherche à dire. À raconter ce qu’il reste, quand les émotions se sont calmées, quand la vie reprend son cours, quand l’amour s’efface mais laisse une trace.

Le disque compte vingt morceaux, dont cinq collaborations qui forment à elles seules un casting à faire pâlir n’importe quelle tracklist : Kid Cudi, Theodora, Iliona, Prinzly, et Laurent Voulzy. Cinq univers distincts, cinq énergies que Disiz relie à sa manière, dans un ensemble qui promet d’être aussi cohérent qu’audacieux.

Des featurings qui racontent une histoire
Le nom de Kid Cudi intrigue forcément. “Try Try Try”, leur morceau commun, fait figure d’événement. On imagine déjà la rencontre de deux sensibilités proches, deux artistes qui ont toujours exploré la vulnérabilité, la mélancolie, la fuite, la nuit. La présence de Laurent Voulzy, elle, surprend autrement : douce, poétique, presque lunaire, elle ouvre une porte inattendue sur un dialogue générationnel. À leurs côtés, Theodora, Iliona et Prinzly apportent des nuances plus contemporaines, plus brumeuses, entre pop et néo-soul, entre caresse et douleur.

Deux titres ont déjà été dévoilés, comme des éclats avant la tempête. “La Rosée”, d’abord, ouvre le bal avec un ton contemplatif, presque méditatif. Le morceau agit comme une porte d’entrée vers l’intimité de Disiz : voix posée, texte limpide, émotion contenue. Puis vient “Mélodrama”, en duo avec Theodora, qui confirme la direction artistique du projet. C’est une chanson de rupture, mais une rupture observée à distance, sans pathos, avec une élégance de funambule.

La production, signée Max Baby, Emmanuel Camy, Neon Valley et Disiz lui-même, est à l’image de l’ensemble : aérienne, précise, rêveuse. Max Baby, qu’on a entendu aux côtés de Clara Luciani, apporte cette touche pop instinctive ; Emmanuel Camy, déjà présent sur “Quarante-cinq”, connaît les respirations du rappeur. Neon Valley, enfin, fait le lien entre Disiz et Theodora, après avoir travaillé sur L’Amour et sur le dernier album de la chanteuse. Ensemble, ils tissent une toile sonore à la fois légère et chargée, un espace suspendu où la voix se fait instrument et l’émotion, décor.

Trois albums qui nous ont marqués pour toujours
Pour comprendre où il en est, il faut aussi se souvenir d’où il vient. Pacifique, en 2017, reste pour beaucoup l’un de ses albums les plus complets. Vingt titres déjà, une mosaïque d’influences où se croisaient introspection, sensualité et engagement. Des morceaux comme “Ils ont de la chance”, “La fille de la piscine, “Ça va aller” ou “Radeau” ont façonné le Disiz moderne : plus mélodique, plus narratif, plus vulnérable. C’est avec cet album qu’il a trouvé un équilibre entre rap et chanson, entre verbe et mélodie. Et, on était déjà conquis.

Mais pour saisir l’ampleur du virage, il faut remonter un peu plus loin encore, jusqu’à Extra-Lucide (2012). Vingt morceaux là aussi, mais une énergie brute, une urgence presque fébrile. On y découvrait un Disiz à nu, sincère, puissant, capable d’enchaîner les introspections existentielles et les uppercuts sonores. Des titres comme “Combien de temps”, “Everything” ou “Life is good”témoignaient déjà de cette tension entre gravité et lumière, entre foi et désillusion. À l’époque, c’était un manifeste : un cri contre la superficialité, un album écrit avec le cœur, les nerfs et la tête.

Puis il y a eu L’Amour, sorti en 2022, certifié platine, devenu l’un des albums les plus marquants de sa carrière récente. Double disque, riche, généreux, où l’on retrouvait des morceaux comme “Emoji soleil jaune”, “Mode d’emploi”, “Quarante-cinq” ou “Rencontre”avec Damso. C’est un album solaire, fait de contradictions assumées : entre douceur et désordre, passion et résilience. “L’Amour” avait fait l’unanimité, prouvant que Disiz pouvait toucher le grand public sans se trahir.

Une écriture plus épurée
Aujourd’hui, “On s’en rappellera pas” semble vouloir aller plus loin, dans une direction encore plus libre, presque conceptuelle. Le projet promet de parler du souvenir, du passage, de ce qu’on garde malgré soi. Ce qui se devine derrière les premiers morceaux, c’est une écriture plus minimaliste, une esthétique atmosphérique, un jeu sur les silences et les textures. Disiz ne cherche plus à tout dire, mais à dire juste.

Dans un paysage musical souvent saturé, “On s’en rappellera pas” a tout pour s’imposer comme un album d’auteur. Une œuvre exigeante, sincère, traversée de lumière et de mélancolie. Le genre d’album qui, paradoxalement, s’imprime en nous précisément parce qu’il ne cherche pas à le faire.

Le 21 novembre, Disiz ne revient pas seulement avec un nouveau disque. Il revient avec une proposition, une respiration, un regard. Et s’il affirme qu’on ne s’en rappellera pas, on sait déjà qu’il se trompe. Parce qu’un artiste comme lui, on ne l’oublie pas.