DES ELLES À LA PELLE

© Archipel 2019

On vit une époque incroyable, comme le dit Djamil le Shlag dans sa chronique sur Radio Nova. Même si l’émancipation féminine débutait déjà au début du XXe, on a vu une accélération de la prise de conscience que la gent féminine était toujours et systématiquement sous représentée. Qui aurait pu penser, disons le 13 avril 1932 par exemple, qu’un tel réveil serait possible ? Bien peu, il est vrai, et le travail ne fait que commencer. On voit d’ailleurs des croustillantes réactions dites masculinistes qui ne sont qu’autant de tentative de s’auto-victimiser devant une prétendue meute de “féministes gauchiasses”, quel toupet mais quelle innocence dans le même temps. Ainsi Marc Texier, Directeur du festival Archipel depuis 2006, a donc décidé de frapper fort ou, pour éviter un vocabulaire martial qui en effraie plus d’un, de poser une édition hautement symbolique en ne programmant que des femmes. Auteures, compositrices, interprètes, directrices et j’en passe sont à l’honneur dans un exercice assumé de rééquilibrage genré, au moins pour cette édition. C’est d’ailleurs la raison qui a mené le festival à se renommer pour l’occasion “Archip-elles”.

“OÙ SONT LES FEMMES ?”

Spatialement, la majeure partie des concerts et autre performances se partagent entre le Théâtre Pitoëff et la Salle communale de Plainpalais, mais d’autre lieux sont mis à contribution pour des évènements uniques. Le thème de cette édition se traduit par une mise en valeur de compositrices telles Ruth Crawford-Seeger, qui fut une précurseuse du sérialisme à la Darmstadt, c’est-à-dire intégral. On notera d’ailleurs que cette dame, épouse du lui aussi compositeur contemporain Charles Seeger, s’est sentie forcée de cesser toute création artistique à partir de son mariage, son goujat de mari préférant la voir épanouie au ménage. Pour rappel, le sérialisme est une technique d’écriture de la musique qui vient chambouler les trois siècles précédents de dodécaphonisme, il s’agit essentiellement de sevrer le cerveau de son addiction à la linéarité pour lui proposer des séries qui se répètent.

« AVEC LEURS GESTES PLEINS DE CHARME”

Les concerts qui ont lieu le week-end sont précédés d’une discussion thématique, telles les 45 minutes qui précèdent Figuren, les compositions de Bettina Skrzypczak, Misato Mochizuki et de Kaija Saariaho. La table ronde sur la scène contemporaine romande avant Salon de Musique, où plus d’un dizaine d’artistes vont se mêler, se superposer et parfois simplement se succéder dans un effort de briser la linéarité du concert. Des initiatives plus audacieuses nous feront découvrir des instruments rares quoi que charmants, telle la flûte contrebasse Paetzold et ses sonorités à la limite de l’infrabasse, tels aussi les accordéons microtonaux joués avec du chant par Betsy Jolas, Graciane Finzi, Isabel Mundry, entourant la création d’Edith Canat de Chizy d’après Dante. A noter que cinq concerts seront enregistrés par RTS – Espace 2.

“ (…) ET PRÉFÈRENT LES MOTOS AUX OISEAUX”

Pour les plus jeunes générations, si les innovations du passé qui se voulait futur actuel parlent toujours, les innovations technologiques ont amené les sampler et autre boîte à rythmes. Le Concert Compound rassemble un panel d’électroniciennes jeunes telles qu’Olga Koksharova, Eva Reiter, Ann Cleare, ClaraIanotta, Jessie Marino et Barblina Meierhans et c’est soit purement électriquement, soit de manière mixte que les ondes sonores seront à nouveau honorées. À sa suite, un DJ set d’Ella Soto pour faire un peu la teuf.

Festival Archi-pelles
Du 28 mars au 7 avril
Théâtre Pitoëff et autres lieux
15 à 30 CHF // Pass festival 90 CH
Farchipel.org