Départ pour les Indes
Grand Théâtre de Genève, décor des Indes Galantes
C’est à un voyage extraordinaire que vous convie le Grand Théâtre de Genève en cette fin d’année. Les Indes Galantes, l’opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, reprendra vie pour une production où danse et musique vous porteront dans un univers où les allégories de l’Amour et de la Guerre s’affrontent sans merci, alors que la société dite civilisée regarde les Indes exotiques avec un oeil critique. La mise en scène proposée au Grand Théâtre rend hommage à cet opéra-ballet tout en offrant une histoire portée par une vision nouvelle de notre monde.
Un voyage imaginaire
Pour la première fois de son histoire, le Grand Théâtre de Genève présentera l’opéra baroque de Jean-Philippe Rameau, Les Indes Galantes. Pièce au succès sans pareil lors de sa création, elle finit par être oubliée pendant de nombreuses années avant de faire son grand retour à Paris en 1952. Sa popularité passée se comprend par son sujet, inspiré d’une réalité aujourd’hui critiquée et choquante. À l’aube du 18ème siècle, des Amérindiens sont amenés à Paris et poussés à présenter leurs danses rituelles et traditionnelles devant un public parisien à la fois effrayé et fasciné, sur la scène du Théâtre-Italien. Les Indes Galantes, en reprenant cette idée, propose à l’Europe de découvrir les danses et rites de ces contrées exotiques encore méconnues, et le succès est au rendez-vous. Cet opéra-ballet constitué de quatre tableaux s’offre à son public comme un voyage dans quatre mondes, à la découverte de civilisations autrefois mystérieuses, les Turcs, les Incas, les Perses et les Amérindiens. Dans ces contrées si exotiques au temps de Rameau, l’Amour et la Guerre sévissent et viennent nous raconter l’histoire de ces Indes encore dites sauvages à travers quatre récits. Le premier tableau dépeint l’histoire d’Osman, prince turc éprit de son esclave. Puis le voyage se poursuit au Pérou où une jeune Incas et un conquistador espagnol défient la religion pour célébrer leur union. En Perse, c’est un chiasme amoureux qui prend vie entre maitres et esclaves. Le dernier tableau, certainement le plus célèbre de tous, nous transporte en Amérique chez les « sauvages », nous racontant l’histoire d’un amour vainqueur de deux amérindiens, triomphant face aux colons. L’amour, mais aussi la guerre, sont alors au coeur de ces récits fantasmés qui se voient aujourd’hui, des siècles après la découverte des Indes, reiventés sur la scène du Grand Théâtre.
Les Indes Galantes revues et corrigées
Cette oeuvre lyrique dans sa version originale n’offre aucun lien entre ses tableaux, se proposant plutôt comme un voyage dans ces lieux méconnus à l’époque qui personnifiés par l’histoire de ses personnages. La mise en scène réalisée par l’américaine Lydia Steier revoit l’opéra en liant chaque récit entre eux grâce aux allégories divines de l’Amour et de la Guerre qui s’affrontent dès le Prologue et qu’elle décline tout au long de l’opéra-ballet. Pour incarner les personnages de ce voyage, Kristina Mkhitaryan dans les rôles d’Hébé, Emilie et Zima, Roberta Mameli incarnera quant à elle l’Amour ainsi que Zaïre, sera aussi présente Claire de Sévigné qui se glissera dans la peau de Phani. Un casting de choix qui viendra redonner vie à cet opéra dans des costumes et un décor réalisés par les équipes du Grand Théâtre. La scène reprend l’architecture du foyer du bâtiment avec ses lustres, ses peintures et ses médaillons, dans lequel le peuple dit civilisé se détruira à travers guerres et conflits dans un décor d’or et de marbre. Figures allégoriques, sauvages, et européens, se détruiront et s’aimeront dans un univers qui reflète à la perfection l’esprit des Lumières. Dans une ville comme Genève, la metteuse en scène souhaitait évoquer la vision réductrice des populations autrefois dites civilisées sur celles dites sauvages. Berceau des droits humains dans le monde, la ville suisse ne se pouvait d’accueillir une telle production sans aborder ce sujet, or Lydia Steier déclare « ne pas vouloir pointer un doigt accusateur sur autrui », mais elle propose une critique subtile qui n’hésite pas à mettre le doigt là où ça fait mal…
Une histoire d’amour invincible : le ballet et l’opéra
Dans cette production, le récit est capital, mais la rencontre entre ballet et musique est elle aussi centrale. Les deux univers se réunissent sous la direction du chorégraphe Demis Volpi qui mènera les danseurs de la troupe du Grand Théâtre aujourd’hui de plus en plus mis sur le devant de la scène, et venant jouer un rôle capital dans cet opéra-ballet où la danse se fait reine. La musique sera quant à elle emmenée par le chef d’orchestre Leonard García Alarcón qui dirigera son orchestre, la Cappella Mediterranea. Le maestro s’attelle à une pièce qu’il connait déjà parfaitement pour avoir participé à la production parisienne. Son approche et sa revisite des partitions ont été largement acclamées par la critique, et il offre le plaisir à la ville de Genève de partager son savoir et son talent en compagnie de son orchestre aux nombreux triomphes. Deux artistes de renom aux productions majeures qui s’unissent sur la scène du Grand Théâtre pour proposer une représentation où danse et musique trouvent le parfait équilibre pour délivrer un récit où l’élégance et la fluidité nous font oublier le temps. Chorégraphe et chef d’orchestre, à l’image de la metteuse en scène, se jouent des libertés de l’opéra baroque pour créer une pièce nouvelle tout en respectant le travail de Rameau. Le maestro déclarait à propos de cette production, « la fiction est importante, surtout à l’opéra, car si vous restez dans la science vous faites une pièce de musée… ce qui ne m’intéresse pas du tout! ». La richesse des Indes Galantes vit alors dans sa nature baroque. La pièce, bien plus que de se limiter à une copie conforme du passé, offre la liberté aux artistes qui la produisent de laisser parler leurs idées. Pour le Grand Théâtre, c’est un nouveau voyage qui vous sera dévoilé. Un voyage pour les Indes où la beauté du chant, de la musique et de la danse s’uniront pour faire renaître de ses cendres cette oeuvre lyrique aussi emblématique que magistrale.
Les Indes Galantes, Opéra-Ballet de Jean-Philippe Rameau, les 13, 15, 17, 19, 21, 23, 27, 29 décembre 2019, Grand Théâtre Genève, 5 Place de Neuve, 1211 Genève. Réservations sur billetterie.gtg.ch