De Bethune: chronopoésie en boîte fermée

La Mystery Box: Forget Time signée De Bethune (c) DR
Il y a des œuvres qui tapent l’œil. Et d’autres qui tapent directement dans le cœur, entre deux battements, là où le temps se plie et se déplie. Mystery Box: Forget Time appartient à cette seconde catégorie. Un ovni horloger signé Fiona Krüger et Denis Flageollet, qu’on à decouvert à la Fondation CAB à Saint-Paul de Vence, en juin dernier. Gifle spatio-temporelle.
D’un côté, Fiona Krüger, artiste écossaise basée en Suisse à l’âme baroque et au coup de crayon aussi précis qu’un battement de balancier. De l’autre, Denis Flageollet, cerveau mécanique de De Bethune, maître horloger qui ne compte plus les étoiles qu’il a mises dans ses calibres. Ensemble, ils signent un objet non identifié : ni montre, ni pendule, ni sculpture. Juste une boîte à mystère qui brouille les aiguilles, les pistes et les esprits.
Le point de départ ? Une intuition vertigineuse du physicien Carlo Rovelli : « Le temps n’est pas ce qu’on croit. Il est relatif, granuleux, et parfois… il disparaît. » Krüger s’en empare comme d’un fil rouge, et tisse un objet-séisme. L’extérieur est une boîte précieuse réalisée avec Hawthorne Fine Boxes et marquetée par Emeline Dépail : nacre, bois, lignes noires, reflets cosmiques. On dirait une nébuleuse enfermée dans un écrin.
On l’ouvre, et le temps s’échappe. Littéralement. À l’intérieur : une horloge à indices flottants, posés sur des tubes de verre comme des pensées en suspension. Pas d’aiguilles qui tournent. Juste une impression d’éternité fragmentée. Les disques de nacre semblent prêts à exploser, comme si le présent n’avait jamais été qu’un mirage. Une clé suspendue initie le rituel, un bouton caché dévoile le cœur de la machine – une chorégraphie silencieuse qui pulse au rythme du cosmos.
Ce n’est pas une pendule. C’est une expérience. Pas une création, mais une révélation, une œuvre qui s’écoute, se touche, se ressent. Une fusion entre art et ingénierie, entre méditation et mécanique. Flageollet, fidèle à son obsession des pendulettes mystérieuses comme la Stellar Clock de 2015, y insuffle une mécanique poétique où chaque élément devient récit.
À Saint-Paul de Vence, nous n’avions pas de mots. Juste des souffles courts, des regards suspendus, des murmures. Là-bas, dans la lumière douce de la Fondation CAB dans la maison Jean Prouvé, l’objet semblait respirer. Comme si le temps, pour une fois, avait accepté de s’arrêter. Et de se laisser regarder.
20 pièces seulement. 20 fragments d’infini. Mystery Box: Forget Time n’est pas une pièce horlogère. C’est une question ouverte. Une énigme à collectionner. Un temps qu’on ne lit pas : on le vit.
