DANIEL ET SERAINA LAUBER : HOTELIERS ZÉLÉS

À peine seulement âgés de 30 ans en 2009, le duo d’hôteliers suisses Daniel et Seraina Lauber créent sur les flancs du Cervin – Le CERVO – un véritable repaire pour nomade stylé où la durabilité, la connexion à la nature et une expérience à la vision « glocale » règnent en maître. Le succès est instantané et se poursuit depuis. Portrait.

Ils se rencontrent en 2006 à l’École hôtelière de Lucerne, tombent fou amoureux l’un de l’autre et décident 3 ans plus tard, de créer leur premier hôtel – Le CERVO – sur les terres familiales zermattoises de Daniel, perchées sur une pente dominante, dans l’axe majeur du monument suisse le plus photographié: le Matterhorn. À l’époque, Seraina et lui n’ont que 16 chambres et une trentaine de collaborateurs. Leur jeunesse n’a d’égal que leur passion et créativité. Ils admettent que s’ils avaient été plus âgés et expérimentés leur concept aurait été nettement moins novateur dans l’univers très formaté de l’hôtellerie de luxe. Dès lors, ils plantent les graines d’un projet alpin contemporain, disruptif et haut de gamme, à portée éco-durable. « Nous voulions créer une atmosphère dans laquelle le client puise dans l’atmosphère mystique de Zermatt, de la nature, du Cervin et capture cette énergie», explique Seraina.

Le CERVO, signifiant «cerf» en italien, et ses 54 chambres, en hiver ©DR

À 5 ans déjà, Daniel caressait le rêve de posséder un hôtel. Fils d’un chasseur passionné, ce grand gaillard solaire interprétera plus tard les codes du pavillon de chasse alpin sur les terres de ses aïeux. Son diplôme d’école hôtelière en poche, il se lance dans le monde et remplit son sac à dos de toutes les connaissances dont il a besoin pour ouvrir son propre hôtel qu’il nommera CERVO qui signifie cerf en italien. Seraina, elle, gran- dit en Argovie où elle termine meilleure apprentie de cuisine de l’année. Elle a toujours cultivé son propre jardin d’herbes aromatiques doté d’un potager réalisé en permaculture qu’elle transpose dans le projet hôtelier le CERVO. « Au début de l’aventure hôtelière, je cuisinais dans le seul restaurant que nous avions à l’époque. J’ai très vite été submergée au bout de seulement 3 jours car tout le monde voulait découvrir le nouveau spot aux pieds des pistes à Zermatt. On a dû réorganiser toute la logistique!» se souvient cette discrète et humble quarantenaire.

Après 15 ans, leur bouquet de chalets alpins est passé de 36 à 54 chambres et enregistre environ 30’ 000 nuitées par an paraît avoir ouvert la veille. Le duo a investi près de 40 millions dans ce projet. Leur résultat brut d’exploitation (GOP: Gross Operating Profit) s’élève entre 27 et 30%. Son secret ? Son pouvoir d’adaptation. « On a toujours gardé à l’esprit l’idée d’innover en flirtant avec le Zeitgeist. Et on a toujours réfléchi au voyageur du futur, celui de 2030 : un hôte conscient. » réplique Daniel. Ainsi, le duo propose une nouvelle approche de l’hospitalité traditionnelle de montagne. Selon leur philosophie, un espace ne peut vivre sans l’énergie des gens. Le leitmotiv ici ? Le sens de la communauté. Ainsi, leurs 120 employés sont choyés et sont impliqués chaque fois que cela est possible. Ils ont également la possibilité de faire valoir leurs intérêts et compétences dans l’entreprise. Ainsi, le cours de yoga est dirigé par Jana, qui travaille à l’hôtel en tant qu’assistante de manager, a suivi une formation de professeur de yoga lors d’un voyage en Inde et enseigne désormais cette pratique à l’hôtel.

Le traitement de l’environnement est au cœur de tous les processus du CERVO. Mais un gîte cinq étoiles peut-il être éco-durable? Peut-on concilier les exigences des clients avec une philosophie respectueuse de la nature? « Un hôtel ne peut être éco-durable à 100%! Mais c’est un devoir pour nous et on aime ça. On investit beaucoup sur ces questions », rétorque Seraina. Ainsi, toute la chaîne d’approvisionnement est concernée par cette philosophie éco-durable à l’impact énergétique impressionnant. Le binôme travaille étroitement avec un label suisse appelé Ibex Fairstay qui mesure l’impact écologique et social dans les hôtels. Ce dernier contribue à suivre les efforts des hôteliers en matière de développement durable. Les conditions de collaboration avec cette entité sont très exigeantes. Cela nécessite une orientation claire et une culture opérationnelle en harmonie avec la nature. Le CERVO est d’ailleurs le seul hôtel suisse à ce jour à avoir obtenu la certification Gold Label d’Ibex Fairstay.

Une des chambres Nomad ©DR

C’est aussi l’un des hôtels les plus funky des Alpes à l’image du duo à l’esprit très rock’n’roll ; le bar et sa terrasse au pied de la piste de montagne Sunnegga sont le lieu incontournable à la fin d’une journée de ski à Zermatt. Et une fois le pied foulé dans l’hôtel, on découvre un lieu à l’atmosphère très familiale. Le duo chapeaute le projet de loin, en faisant confiance à un très jeune directeur de 33 ans – Benjamin Dietsche. La scénographie, elle, est conçue par le studio primé Dreimeta, à l’esthétique très originale pour un hôtel de montagne. Les chambres et suites du Huntsman Lodge offrent paix et isolement avec des saunas privés ou des bains de vapeur ainsi que des baignoires en plein air, tandis que le Nomad est le camp de base du voyageur moderne où les clients peuvent escalader un mur dans leur chambre s’ils le préfèrent aux escaliers. Leur SPA, surnommée Mountain Ashram Spa se concentre sur la guérison du corps et de l’esprit grâce à des pratiques du monde entier. Des séances de méditation et de yoga sont proposées gracieusement dans une salle rituelle et sur la prairie de la montagne. L’hôtel est doté d’une yourte. Normal quand on sait que Daniel est un fervent adepte des pratiques ésotériques, sur le départ cet été pour un stage dans le Colorado avec un célèbre guru de la méditation.

Le Cervo fait face au mythique Matterhorn, vue depuis l’une des chambres ©DR

Le binôme séparé depuis une dizaine d’années, désormais meilleurs amis et co-parents deux enfants ne s’évalue pas par ce qu’il a accompli, mais par ce qu’il devrait. L’an dernier, les deux copropriétaires acquièrent un terrain de 7000m2. Leur nouveau challenge? Concevoir un espace communautaire – CERVO Refugio – pour leurs employés à Täsch afin que ces derniers puissent accéder à la location d’appartement peu onéreux et puissent les acheter. « On veut créer d’ici 4 ans un village dans un village doté d’une boulangerie, de restaurants, un SPA, et de logements entre autres. C’est un projet de 40 millions. », précise Daniel. À terme et dans l’idéal, le duo aimerait créer une version CERVO Mare, au bord de la mer au Maroc ou ailleurs. En attendant, comme chaque année en septembre (22-24 septembre), ils préparent leur festival – A Love Beyond – avec comme collaborateur officiel depuis 2020, l’enseigne horlogère Breitling. Au programme? Installations artistiques, masterclasses culinaires, ateliers interactifs (tatouage, cartomancie…), concerts live et conférences. Un véritable showcase dévoilant l’essence de l’hôtel!

Le Bazar, l’un des restaurants du CERVO ©DR