Catherine Ringer, à fleur de poésie
La moitié inoubliable des Rita Mitsouko: Catherine Ringer ©DR
L’éternelle Rita Mitsouko a toujours tracé sa voie avec une créativité et une originalité singulière. Cet atome d’effervescence à la verve, au pas de danse et au chignon légendaires revient sur scène à Plan-Les-Ouates. Elle y est accompagnée au piano par Grégoire Hetzel, sur l’oeuvre de la phénoménale poétesse nonagénaire, Alice Mendelson: « L’érotisme de vivre ». Une performance de poésie à la fois sensuelle et rebelle, à son image.
Tête-à-tête entêtant avec celle qui a toujours chanté comme si elle devait mourir demain.
Dans ce spectacle, « L’Érotisme de vivre », vous interprétez les poésies d’Alice Mendelson, 97 ans. Comment s’est faite la rencontre avec cette artiste inconnue du public?
C’est un conteur – une personne qui vient raconter des histoires chez les gens – Pascal Quéré qui était le formateur de cette poétesse, ex-professeur de français qui me l’a recommandé. À sa retraite, cette vieille dame a décidé de devenir à son tour conteuse. Alice avait été une amie de mon père que je ne connaissais pas. Pascal m’a parlé de ses poèmes chantant la passion de la vie, de l’amour, des hommes, des couleurs, des instants, des mots, à la fois simples, enthousiasmants et émouvants. Et j’ai pensé à elle après l’épisode COVID, quand la Huchette, un petit théâtre de Paris m’a donné carte blanche afin de les aider à maintenir leur activité. J’ai sollicité Mauro, chanteur, acteur, metteur en scène, pour faire l’œil et l’oreille. Il a adoré l’idée. Nous avons fait une sélection des poèmes puis il a suggéré d’y ajouter de la musique et a proposé Grégoire Hetzel, pianiste, compositeur de musiques de films de former notre trio.
Qu’est ce qui vous rapproche d’Alice Mendelson?
Je ne suis pas bonne en explication de textes. Ce n’est pas mon domaine mais j’ai trouvé ses créations belles et intenses. Plus que de la poésie érotique, ce sont des poèmes d’amour, rédigés de 1947 à 2021. Cela traverse 50 ans de passion sur les rapports humains et l’intensité de la vie.Elle a d’ailleurs failli publier un livre. Mais l’éditeur lui avait proposé d’éditer avec un focus sur ses poésies sensuelles, ce qui a déplu à Alice qui ne souhaitait pas être cataloguée comme écrivaine érotique.
C’est une problématique que vous avez rencontré plus jeune pour avoir participé à du cinéma érotique…
Adolescente, j’ai été victime comme Judith Godrèche d’une personne qui a profité de ma naïveté et ma jeunesse. Lorsque j’ai eu un peu de notoriété avec les Rita Mitsouko, j’ai préféré en parler tout de suite afin de l’assumer au plus vite. C’est grâce au mouvement #MeToo que j’ai pu réaliser que j’avais été sous l’emprise terrible d’un homme plus âgé. J’ai même écrit des chansons sur cela avec entre autres « C’est comme ça » qui relate de ce tabou. Avant je n’en parlais pas, c’était une honte et une souffrance. Je souffrais de mémoire traumatique à ce sujet. Mais je m’en suis libérée.
Comment Alice a réagi face à votre performance?
Elle est venue à la Huchette en 2021 et elle était enchantée. Elle trouvait que je portais très bien ses poèmes et que la musique de Grégoire était parfaite avec une mise en scène simple. Elle est revenue une deuxième fois, et elle le considère comme une ode, un cadeau de la vie de voir ses écrits prendre vie.
Les thèmes de sensualité ont été pensés dans les années 1940. Quelle modernité ont les poèmes d’Alice?
Les humains ne changent pas tant que ça au contraire de la technologie. Ces poèmes nous parlent toujours autant. Il y en a qui évolue moins aisément comme celui sur les poils sublimés dans un de ses écrits. Il y parle du côté viril du torse velu qu’elle exprime à merveille. Aujourd’hui, il y a une apologie de l’anatomie imberbe. Ça ne sied plus! Ca me fait penser aussi à la chanson de Boris Vian – Fais moi mal Johnny! – (Rires) « Mais il était râblé comme tout… ». C’est drôle cette dissonance de génération en matière de mode. Celles-ci changent et évoluent. Il y aussi un texte où elle dit qu’elle sent son homme comme un Centaure au-dessus d’elle. Ce sont des visions différentes. J’avais du mal à prononcer avec un terme en particulier – empaler – « Toi qui m’empale »…J’ai finalement réussi à l’assumer.
Est-ce que vous avez d’autres projets en ce moment?
Non en ce moment je suis en jachère (Rires)! Mais j’ai encore une vingtaine de dates avec le spectacle qu’on a déjà joué à Auxerre, Fontainebleau et même Capri à l’été 2022, en italien sur une traduction du poète Igor Esposito!
L’Érotisme de Vivre, un spectacle avec Catherine Ringer
Le 15 novembre 2024
L’Espace Vélodrome, 60 Chemin de la Mère-Voie, 1228 Plan-les-Ouates