Calder : sculpteur du temps
Calder. Sculpting Time au Masi Lugano ©DR
Alexander Calder reste encore aujourd’hui l’une des figures les plus emblématiques de la sculpture moderne. Au XXème siècle, il la révolutionne totalement, faisant passer cet art statique à un objet en mouvement, ses fameux mobiles restant encore aujourd’hui des références communes dans l’art contemporain. Après près d’un demi-siècle, les créations de Calder sont de retour sur le territoire suisse dans une exposition monographique d’envergure, Sculpting Time. C’est au MASI, à Lugano, que se dévoilent une trentaine d’œuvres, prêtées pour la majorité d’entre elles par des collections publiques et privées, dont fait partie la Fondation Calder de New York. Dans les salles du musée, les commissaires d’exposition invitent les visiteurs à redécouvrir ces créations qui, des décennies après leur réalisation, semblent parfaitement trouver leur place dans la scène artistique actuelle. De ses élégants mobiles en mouvement à ses sculptures monumentales, c’est bien plus que la matière que Calder sculptait. Derrière ces créations, c’est le temps qui s’expose.
La vie d’Alexander Calder était pour ainsi dire tracée dès le départ. L’américain naît dans une famille d’artistes, évoluant dans des sphères plus classiques, mais qui lui permettent de pénétrer dès le plus jeune âge dans cet univers créatif. L’influence de ce qui l’entoure est certainement précieuse à l’artiste qu’il deviendra. Mais Calder, rapidement, s’affiche comme un révolutionnaire qui par son génie novateur allait changer le cours de l’art moderne. Son médium de prédilection reste sans équivoque la sculpture, mais ici pas de classicisme et de représentation figurative. Son innovation prend tout d’abord source dans les matières qu’il emploie, à commencer par le fil de fer qu’il tord pour aboutir à la création de sculptures en 3D. Une première étape créative qui allait mener à la création de ses séries les plus célèbres, les mobiles. Ce terme, c’est Marcel Duchamp qui le choisit. Suspendus dans les airs, ces sculptures s’animent au gré des mouvements et de leur environnement, venant tout à coup créer un possible : celle d’une sculpture pourvue de mobilité. Dans l’exposition du MASI, l’un des plus importants trône dans la salle, l’Eucalyptus, créé en 1940. Exposée à New York la même année dans la galerie Pierre Matisse, elle reste aujourd’hui l’une des pièces les plus emblématiques de Calder, définit comme suit par les commissaires du MASI : « en se déplaçant librement et en interagissant avec ce qui l’entoure, elle semble façonner l’air ; elle change constamment, elle joue avec le temps ». Dans le musée, les mobiles se côtoient, se mouvant au gré des changements dans leur environnement, semblant incapables de rester immobiles. Donnant ainsi une dimension au temps. Les commissaires ajoutent à leur sujet, « Calder a pris une décision unique, celle de créer des organismes métalliques ayant des qualités de légèreté et de diversité, sous des formes biomorphiques subtiles, qui sont à la fois résistantes et fragiles, dynamiques et esthétiques, fermes et hypersensibles ».
Si Calder est célébré pour ses mobiles, sa production ne s’est pas limitée à ces pièces. Les stabile, nommés ainsi par Jean Arp pour leur nature inversement immobile, se caractérisent quant à eux par la diversité de leurs échelles. Au MASI, nous découvrons Untitled (vers 1940) et Funghi Neri (1957), s’opposant par leur monumentalité et leur délicatesse. Le troisième grand pan de la création de Calder, ce sont ses constellations. Encore une fois ici, c’est Duchamp qui sélectionne ce terme. C’est à partir de 1943 que ces séries se font plus nombreuses, à une époque où la tôle, sa matière de prédilection, se fait plus rare. Calder opte alors pour le bois qu’il mêle au fil de fer pour créer ces pièces abstraites prenant leur place le long des murs. Des années plus tard, il est difficile de nier que Calder reste encore aujourd’hui un visionnaire, inspirant les générations d’artistes qui l’ont suivi. Dans les salles du musée, l’interaction avec ses pièces, notamment les mobiles, rappelle également que pour l’artiste américain l’art se pensait en relation avec l’humain, par son échange avec l’œuvre. Les commissaires de l’exposition Sculpting Time concluent, « L’héritage de Calder perdure non seulement dans la présence physique de ses œuvres, mais aussi dans l’impact profond que son art a eu sur la manière dont nous percevons et interagissons avec la sculpture. Sa contribution à l’histoire de l’art va bien au-delà de l’utilisation innovante des matériaux et de l’emploi de nouvelles techniques ; elle saisit l’essence subtile d’instants éphémères. S’engager dans cette dimension temporelle, tel est le but de cette exposition”.
Calder. Sculpting Time
Jusqu’au 6 octobre 2024
MASI Lugano
Via Canova 10 CH – 6900 Lugano
www.masilugano.ch