Bucolique Géorgie en Khatiamini
La musique classique, puisque sanctuarisée, est un domaine artistique de personnalités, c’est le royaume de l’être providentiel qui va mener l’interprétation, seule marge laissée à l’artiste. Ces personnalités auront donc très logiquement des profils aussi variés qu’il existe d’humains sur la planète, cependant on ne peut pas se risquer à affirmer que tous les charismes se valent. Or, bien souvent, vu le tissu socio-économique que ce type d’expression draine dans son sillage, il n’est pas rare de voir infliger des personnalités certes très compétentes mais pas toujours au fait de la nature profonde qui nous anime. À savoir qu’à armes égales, on préférera celleux qui auront non seulement la technique mais aussi la présence.
Khatia Buniatishvili peut se targuer d’avoir réuni ces deux pôles dans son ascension somme toute assez fulgurante. Il est de plus assez amusant, une fois la plastique de la jeune géorgienne fraîchement naturalisée française constatée, de réaliser qu’elle a non seulement un niveau technique extrêmement respectable, une maestra en somme, d’observer la réaction d’un public lambda. En sus, elle s’est aussi fait un renom de se spécialiser au moins un temps dans les pièces “réputées masculines”, assertion qui ferait crever le plafond aux plus modérées des féministes. C’est surtout son intensité musicale qui a su faire oublier la prétendue prédestination de ces oeuvres. Mais surtout, peut-on sérieusement parler de genre quand il s’agit d’interprétation ? Pour de vieux grigous de la bonne foi, il semble que si encore aujourd’hui, ce qui renvoie à la remarque sur le tissu socio-économique ci-dessus. Elle a ainsi tout pour plaire, et donc pour ébranler une certaine masculinité qui apparait dès lors des plus fragiles, menacée dans ses bastions par d’impudentes audacieuses. Quelle bonne nouvelle !
Forte de cette satisfaction de moucher la technique et la plastique, Khatia Buniatishvili est aussi d’une classe et d’une gentillesse rares. On sent une personne bien dans ses talons-aiguilles qui va de l’avant. C’est ainsi qu’elle viendra interpréter une sonate et trois lieder de Franz Schubert, ainsi qu’une rhapsodie hongroise et une étude d’exécution transcendantale (!) de Mazeppa de Franz Liszt. À noter d’ailleurs que Liszt est le compositeur qu’elle a choisi pour son premier album paru en 2011 avec notamment la très intense valse de Méphisto, et c’est donc un morceau de coeur pour Khatia on le devine.
Le concert est organisé par l’association Avetis, fondée par Varduhi Khachatryan, qui a pour objectifs de valoriser la culture arménienne dans ses expressions artistiques. Certes Khatia est géorgienne, mais la fameuse solidarité de la “montagne des peuples” caucasiens joue sans doute ici, et c’est tant mieux ! L’union fait la force, surtout entre petits.
Récital de Khatia Buniatishvili au piano
Le vendredi 17 mai de 20h à 22h
Victoria Hall
14 rue du Général-Dufour – 1204 Genève avetis.ch