BRAFART

A Bruxelles, entre une console en bois et une Madonne à l’enfant, la Brussels Art Fair cultive son éclectisme. La foire d’art reprend ses quartiers du 26 janvier au 3 février 2019 dans les célèbres entrepôts Tours et Taxis pour une 64ème édition et prouve que la soixantaine rime aussi avec dynamisme. Ce rendez-vous phare de début d’année réunit un nombre de visiteurs croissant et témoigne de l’intérêt pour un événement voulu généraliste et dont la mission serait de renouveler le regard sur l’art. Beau projet ou véritable envie, dans tous les cas, la Brafa présente un fil rouge de la production artistique, de l’Antiquité à l’art tribal en passant par l’art contemporain, le tout, réparti entre 133 exposants dont seize nouveaux. Il est difficile de surprendre les visiteurs année après année, mais la venue de Gilbert & George comme invité d’honneur de ce cru 64 promet pour sûr un dialogue intéressant entre l’excentricité britannique confrontée au pays d’un Magritte surréaliste.

Art et chiffres

En constant renouvellement, la Brafa tente d’atténuer le lieu commun de la foire d’art comme événement de marchant pour marchands en attirant un public toujours plus large. Sous le couvert de cette diversité, on devine aisément que l’aspect foire prime sur l’aspect exposition que recherche un visiteur lambda, bien que d’importants efforts soient mis en place pour atténuer cela – au premier abord les prix sont rarement visibles. Initialement, l’art premier – passé colonial de la Belgique oblige – et l’archéologie sont les fers de lance de la Brussels art fair, mais au fil des ans, les exposants d’art contemporain se multiplient pour satisfaire ce gout du modernisme qui gagne toujours plus de terrain. Et c’est bien parce que la spécificité de la Brafa est de ne point en avoir que les stands se multiplient sans se ressembler. Mention faite toutefois à quelques thématiques qui se retrouvent çà et là.

Éclectisme

La galerie Porfirius et sa Kunstkammer représentent habilement une sorte de salon dans le salon où une multitude d’objet d’époques et de fonctions variées prennent place. Apparu à la Renaissance, la tradition des cabinets de curiosités témoigne de la volonté d’appréhender scientifiquement le monde. Tous les objets sont répartis en quatre catégories : naturalia ; artificialia ; scientifica ; exotica. Cette profusion d’objets octroie la possibilité d’en trouver de toutes les tailles et à tous les prix. L’originalité est également le maître-mot de la galerie de Didier Claes. Cette année encore, elle apporte un focus intéressant sur l’art tribal africain qui pendant longtemps était trop bien souvent réduit au statut de curiosité et se résumait à quelques pièces ramenées par les colons au XIXème siècle pour renseigner sur la façon dont vivaient les peuples extra-européens.

La dimension de curiosité est aussi déroulée avec le tableau des Oiseaux exotiques de Jan Van Kessel par la galerie séculaire Costermans. En effet, l’étude d’oiseaux fait typiquement partie du genre d’ensemble que l’on retrouvait dans les cabinets de marqueterie à Anvers au XVIIème siècle. Actuellement peu raccrocheur, le goût pour ces représentations anormalement colorées se diffuse pourtant rapidement à l’époque et mène au démantèlement des ensembles et à leur vente individuelle. Peut-être que cela explique en partie l’incompréhension face à une représentation d’oiseaux au final assez banale, sans aucun point de repère pour le spectateur contemporain si ce n’est la finesse des couleurs et du travail.

La galerie Valérie Bach de la patinoire Royale fait prendre un chemin plus glissant et emmène patiner dans son monde contemporain avec une œuvre optique de Carlos Cruz Diez. L’artiste vénézuélien exploite le rapport couleur-spectateur. Cette notion a priori vague s’intéresse en réalité à la couleur et aux illusions qu’elle produit et qui font ressortir la faillibilité de l’œil. Cet aspect plus cognitif de l’appréhension de la couleur engendre un rapport captivant entre vision et représentation que chacun est invité à tester.

Gilbert & George

Présenter Gilbert & George est le côté agréablement croustillant d’une foire qui réussit à ne pas s’empâter. Ce duo pince-sans-rire à l’allure sculpturale un peu chic et choc promet son lot de surprise et d’excentricité. Les cinq images qui seront présentées sont sélectionnées par Gilbert & George et sont issues de leurs séries récentes. Les London Pictures constituent un ensemble d’images créé à partir de 4000 posters de journaux volés par les artistes et qui est classé par thèmes. Il dresse un portrait lucide et acerbe de la société contemporaine britannique dans tout ce qu’elle a d’éphémère voire de violent. La série des Beard Pictures propose quant à elle le récit lancinant d’une épopée moderne où règnent la folie, la destruction et la paranoïa. Les couleurs vives et les paysages absurdes agressent le regard et dépeignent un monde sans raison, mais dont la barbe est le dénominateur commun.

Brussels Art Fair
Du 26 janvier au 3 février 2019
Tours & Taxis
Avenue du Port 88
1000 Bruxelles
http://www.brafa.art
+32 2 513 48 31