BORN IN … PPM : portraits d’un climat en sursis

Au pont de la Machine, Genève se regarde en face dans le miroir du carbone. Derrière chaque sourire, chaque ride, chaque regard fixé par l’objectif de Mary-Lou Mauricio, un chiffre invisible prend corps : le taux de CO2 qui saturait l’air l’année de notre naissance. Des visages intimes, un indicateur global. Et une vérité qui nous traverse : depuis 1925 jusqu’à aujourd’hui, la courbe monte, inexorable, comme une marée noire.

Avec BORN IN … PPM, l’artiste et photojournaliste Mary-Lou Mauricio transforme une donnée scientifique en manifeste sensible. Les portraits en noir et blanc — près de 350 présentés ici — inscrivent chacun·e dans l’histoire atmosphérique de l’humanité. Anonymes, Genevois, célébrités comme Yann Arthus-Bertrand ou Cyril Dion : tous posent avec leur chiffre, le ppm de leur année de naissance, acronyme de “parties par million”, mesure du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère.

Résultat? Une fresque intergénérationnelle qui dit mieux que n’importe quel graphique l’emballement du dérèglement climatique. 340 ppm en 1980, 424 ppm en 2024. Le souffle se rétrécit, la planète étouffe, mais les visages restent debout, témoins d’une urgence partagée.

Depuis 2022, Mary-Lou Mauricio et son équipe ont réalisé plus de 5’000 portraits. Chaque cliché agit comme un révélateur : le carbone devient visible, palpable. “Matérialiser l’invisible, c’est frapper plus fort que les chiffres”, rappelle l’artiste. L’art comme catalyseur, la photographie comme acte politique.

Au Quartier Libre SIG, espace culturel posé sur le pont de la Machine, les visiteurs découvrent une exposition qui se vit comme un manifeste collectif. Et le 30 août, le projet s’ouvre au public : un studio éphémère permettra aux Genevois·es de poser à leur tour, d’ajouter leur visage et leur ppm à la constellation. Un rituel d’appartenance et d’engagement.

En traversant la salle, on suit une ligne invisible : l’air de 1925 n’est déjà plus celui d’aujourd’hui. Chaque portrait est une petite alarme, chaque chiffre une secousse intime. Ce n’est pas seulement une expo, c’est un inventaire des vies, des dates et des respirations qui composent notre époque. Et un rappel, simple et brutal : nous sommes tous nés avec un CO2 tatoué dans l’air.