BLACK MOVIE : SUR FOND D’APOCALYPSE
Lucky Strike de Kim Yong-hoon
Nous sommes en 2020 après (la circoncision de) Jésus-Christ. Tous les évènements culturels ont été annulés pour cause de pandémie mondiale…Tous? Non! Car un Festival créé par d’irréductibles passionné.ées résiste à l’annulation. La vie n’a pourtant pas été facile pour ses cousins le Geneva International Film Festival (GIFF), la Nuit du Court métrage et Les Mercredis du cinéma…Néanmoins, il faudra tout de même patienter jusqu’en 2021, du 22 au 31 janvier, pour assister au Black Movie (BM). En ligne ou en « présentiel »? L’avenir nous le dira.
« Soleil vert sur ciel orange, au-dessus du Lignon » pourrait-on titrer l’affiche de cette édition. Tant le film de 1973, « Soleil Vert », rappelle étrangement la période à laquelle nous vivons. Concernant le pitch, sachez qu’il raconte notre Terre en 2022, dont l’Homme aurait épuisé les ressources naturelles. Seule une sorte de pastille verte et ronde nourrit le restant de l’Humanité. Le ciel orange, quant à lui, renvoie à la phrase d’un mystérieux poète marseillais: « Quand j’vois le ciel orange, j’repense à la fin du monde ». Un avant-goût de l’enfer, assurément. Rassurant et optimiste.
Mais au milieu de ce marasme ambiant, il existe bel et bien des poches de joie de vivre. Les fêtes de fin d’année en sont une, la sortie de Cyberpunk 2077 (décidément), le 10 décembre, en est une autre. Et bien évidemment, le Black Movie. Festival unique en son genre, « petit » parmi les grands, qui continue années après années de proposer des œuvres récentes (2019-2020) issues du monde entier. Autant déchiffreur de réalités considérées comme secondaires et oubliées, que défricheur de talents.
Comme toujours, il y en aura pour tous les goûts et de tous les styles. Fictions, documentaires ou films de femmes « à la caméra ». Malheureusement (ou peut-être l’inverse), étant donné que la sélection de la présentation d’un type de cinéma dépend en partie de celui qui l’écrit, il sera ici question de films sud-coréens. Bien entendu, le Mexique, le Kenya, la Russie, l’Argentine, la Roumanie et d’autres pays ont droit au chapitre. De plus, il serait bête de réduire le BM à des projections de cinéma coréen. Mais force est de constater que ce dernier a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années.
«Féfé sur les Champs, pas louée»
C’est autour d’un sac rempli de billets que se croisent et s’entre-tuent des personnages dans le thriller Lucky Strike. Un moyen, pour le réalisateur Kim Yong-hoon, de critiquer une société coréenne marquée par la course au fric et le matérialisme. N’en déplaise aux détracteurs.trices de ce genre de film qui ne voient dans les polars violents et (un peu) sanglants qu’un divertissement de plus.
«Fatiguée mais debout»
Gull, qui signifie la mouette en français, s’attarde sur les questions de genre dans la société sud-coréenne et questionne, plus précisément, la place des femmes. Mais au lieu de traiter le sujet de manière convenue (égalité hommes/femmes), le film de la réalisatrice Kim Mi-jo se sert d’une statistique à la marge de la norme: celle du viol d’une femme d’âge mûre. Ainsi, à partir d’un crime peu répandu et presque invisible, Kim Mi-jo fait ressortir d’autant plus fortement l’incapacité de l’entourage de la victime, Obok, à gérer une situation perçue comme taboue. Incompréhension, responsabilité déplacée sur la victime, impossibilité de confronter l’auteur et obtenir le soutien de témoins: tout prend alors la tournure d’un parcours de la combattante. Et Obok de s’enfoncer petit à petit dans la dépression…La réalisatrice, également scénariste, eut l’idée d’écrire ce script alors qu’elle avait observé un homme suivre une dame âgée dans la rue. À ce moment, elle fût saisie par un sentiment de danger lorsque la femme lui rappela sa mère. L’incident la fît s’interroger sur les questions de genre en Corée du Sud. Pas étonnant, donc, que l’on retrouve ce film dans la section « Femme à la caméra ».
«J’ai jeté la bague à Tchikito»
Enfin, le dernier film retenu se concentre exclusivement sur quatre femmes. L’une d’entre elles, Gan-Hee, rend visite aux trois autres qu’elle n’a pas vu depuis longtemps. Elle-même profite de l’absence de son mari pour les rencontrer dans différents endroits de Séoul. S’ensuit des discussions entre femmes, perturbées les trois fois par la maladresse des hommes. Manifeste féministe, le film de Hong Songsoo (vingt-quatre films en vingt-quatre ans) laisse l’espace et la parole aux femmes, tout en examinant la solidarité qui les uni, au gré d’expériences et de vécus différents.
Black Movie
du 22 au 31 janvier
www.blackmovie.ch