Beauté Désolée

Série Glaciers, #01, 2015-2018, ©Jacques Pugin

Artiste suisse à la renommée internationale, Jacques Pugin n’a cessé durant sa carrière de surprendre notre regard. En cette fin d’année, le Musée Gruérien consacre une exposition réservée à ce photographe inclassable qui ne cessa d’expérimenter à travers de nouveaux médiums. Cette rétrospective se propose alors comme un coup d’oeil dans le rétro, un retour sur le travail de Jacques Pugin où les méthodes et les réflexions de l’artiste sont mises en lumière. Gros plan sur la TraceHumance d’un artiste à la frontière entre regard et pensée.

Ses images font aujourd’hui partie de la collection du Centre George Pompidou de Paris,  du Musée de l’Elysée de Lausanne, ou encore de la Collection de la Banque du Gothard. Lauréat du Swiss Art Award durant trois années consécutives dans les années 80, Jacques Pugin se présente comme une force majeure dans le paysage artistique contemporain actuel, notamment en Suisse. Dans une exposition rétrospective jouant entre chronologie et liens thématiques documentés, TraceHumance se propose comme un bilan. L’occasion de regarder en arrière, de prendre le temps de découvrir, ou alors re-découvrir ces oeuvres, leurs sens, leurs natures, leurs raisons. Par ses thématiques profondément ancrées dans sa terre natale, il interroge sur des sujets d’importance capitale, à l’image de la place des paysans dans notre société actuelle et la préservation de nos traditions ancestrales, proposant un montage vidéo intitulé  « Désalpe 2.0 » où la transhumance est copiée collée sur des paysages Google Earth. Les montagnes qui l’ont entouré durant toute sa vie sur les terres helvétiques sont ainsi au coeur de son oeuvre photographique. S’inscrivant depuis longtemps dans la veine écologique actuelle, il fait transparaitre par son travail la vulnérabilité de ces géantes que nous avons trop souvent pensé invincibles. Par ses clichés, Jacques Pugin immortalise les traces laissées par l’homme, du réchauffement climatique aux activités touristiques, rendant l’être humain responsable de la menace qui pèse chaque jour sur ces géantes fragiles.

De ces montagnes, il en tire alors le portrait, les collectionnant comme un botaniste collectionnerait les fleurs dans un herbier. Nous nous laissons tout particulièrement marquer par les images du glacier du Rhône, recouvert de bâches, visant à ralentir sa fonte. Une image à la fois bouleversante et alarmante, qui pousse le photographe à nous faire réagir en reconstituant des clichés de l’avant, quand sa fin ne semblait pas si proche.  Si l’artiste suisse a fait le sujet de tant d’éloges pour sa versatilité plastique, de la photographie au montage, de l’utilisation du drone et des webcams au light painting, ce sont ses sujets qui nous marquent ici. Amoureux discret de la nature et de son pays, Jacques Pugin a mené durant toute sa carrière un combat artistique où le symbole nous invite à ouvrir les yeux sur une réalité troublée d’où disparaissent nos paysages et nos traditions. Une sonnette d’arme brillamment relayée par le Musée Gruérien et la publication qui l’accompagne, nous invitant à ouvrir les yeux, mais aussi l’esprit.

Tracehumance, Cheminement photographique de Jacques Pugin, du 3 octobre 2020 au 31 janvier 2021, Musée Gruérien, Rue de la Condémine 25, 1630 Bulle, www.musee-gruerien.ch