BE HUMAN & BE KIND

© Elena Anosova. Née en 1980, Anna est détenue dans une colonie pénale pour délinquantes primaires, où elle purge une peine de 5 ans. Elle a quatre filles. De la série Section (2014).

Alors qu’il opère une sérieuse mutation de ses espaces, le Musée International de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge (MICR) vient d’inaugurer sa nouvelle exposition temporaire. Sobrement intitulée human.kind, l’exposition présente le travail engagé et profondément humain de trente photographes, provenant du monde entier et sélectionnés parmi les milliers qui ont concouru au Prix Pictet depuis sa création en 2008. S’articulant autour de la question de l’action humanitaire et sur une réflexion plus large autour de l’image humanitaire et de sa réception, human.kind invite le public à méditer sur notre humanité et notre empathie. Incisive, sensible et foncièrement bienveillante, l’exposition fait assurément partie de nos coups de cœur de la saison. 

 

© Subrata Biswas. De la série Brave-Heart Girl Lit a Flame (2012).

Le chemin jusqu’au MICR est toujours une expérience en soi. Une fois les marches gravies et l’étroite entrée franchie, le visiteur entre dans le bunker en béton armé qui procure une sensation d’oppression et exprime une certaine gravité du propos. L’entrée du musée se fait dorénavant par la gauche, l’espace d’accueil étant en travaux afin de créer un lieu plus accueillant, et la visite se poursuit au sous-sol où le réseau ne passe plus. Coupé du monde et de sa frénésie, le visiteur peut se plonger pleinement dans le vaste labyrinthe photographique créé spécialement pour l’exposition human.kind. Au total, près de trois-cent images tapissent les cloisons blanches de cet espace réorganisé afin d’offrir un regard nouveau sur la photographie humanitaire. Originaires de vingt-quatre pays différents, les 30 photographes exposés, quinze femmes et quinze hommes, présentent des thématiques et des approches différentes qui se rejoignent dans une réflexion globale sur l’action humanitaire et la bienveillance du regard. Parmi les trente séries photographiques qui composent le parcours, on notera la beauté des images de Charles Fréger qui explore l’usage des masques dans les différentes communautés, le terrible calme des photos d’Ezra Acayan qui documente l’explosion d’un volcan aux Philippines, l’originalité du travail de Nermine Hammam qui représente la répression en Egypte lors du Printemps arabe sur le modèle des estampes japonaises, la sensibilité d’Elena Anosova qui réalise des portraits plein de dignité de femmes détenues dans des prisons en Russie, la force des œuvres d’Omar Victor Diop qui questionne le lien entre tradition et modernité dans les sociétés africaines et l’audace des skateuses boliviennes qui se réapproprient la jupe traditionnelle des conquistadors sous l’œil avisé de Luisa Dörr. Un véritable tour du monde sous le prisme de la bienveillance qui redonne foi en l’humanité. 

© Rena Effendi. Yegana et sa belle-sœur chez elles. De la série Khinaliq Village (2006).

Lors du vernissage, nous avons eu l’occasion de rencontrer Muzaffar Salman, photographe syrien, dont le parcours mouvementé à façonner son engagement humanitaire et son travail photographique. Avec son appareil photo, il documente depuis plus d’une dizaine d’années la situation critique dans laquelle se trouve son pays. Son approche de « street-photographer » s’intéresse à l’humanité des personnes et à la réalité. Tout en questionnant l’identité des syriens qui se compose de profils très différents, il dénonce les mensonges relayés par le régime au moyen d’images fortes et honnêtes. « I have my own story. The regime is lying » nous confie-t-il. Son travail lui a d’ailleurs valu quatre jours d’emprisonnement par le régime en 2011 et en 2013, il a dû fuir son pays à cause des menaces des djihadistes. Lorsqu’on lui demande ce qu’il désire montrer au travers de ses images, il répond que son devoir consiste à écouter les personnes et à trouver la meilleure manière de raconter leurs histoires. Actuellement réfugié en France, il prépare son second livre de photos sur la Syrie qui sortira l’année prochaine. 

© Muzaffar Salman. De la série Aleppo Point Zero, Alep, Syrie, (2013).

© Muzaffar Salman. De la série Aleppo Point Zero, Alep, Syrie, (2013).

human.kind
Jusqu’au 14 avril 2024

Visite guidée avec les curateurs le 21 mars 2024
Rencontre avec Omar Victor Diop le 27 janvier 2024

Musée International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Avenue de la Paix 17, 1202 Genève
www.redcrossmuseum.ch