Avec Cendrillon, l’humour est chose sérieuse

Hope Neslon en Cendrillon et Don Ramiro (Ervin Ahmeti) © Ingo Höhn
Le Theater Basel propose une nouvelle Cenerentola de Rossini au cordeau, de haute voltige et inspirée. L’opéra inspiré de Cendrillon, en petit format signé Tilman ausdem Siepen, respire à toute allure, et sollicite le public qui répond présent, debout. L’occasion de rappeler que l’humour se travaille avec sérieux.
« Au Theater BAsel, le public ne se rend pas compte qu’il est diverti à un niveau inférieur à ses propres standards. » croit savoir le critique Sigfried Schibli sur le site online reports. Si l’on cherche à illustrer un avis pédant et sûr de son bon droit, rien de mieux que de lire cet article, et surtout de voir la production pour en tirer la conclusion inverse. Car cette Cendrillon de Rossini version OperAvenir, l’opéra studio du Theater Basel, coche toutes les cases d’un opera buffa drôle, abouti et sérieusement préparé.
Small is beautiful
Une Cenerentola de chambre, en orchestre réduit, donné sur la Kleine Bühne. Et pourtant, ça marche : la musique adaptée pour petit ensemble fait merveille. Une partition réduite qui ne pardonne rien, puisque chaque pupitre est seul, donc chaque musicien doit exceller. C’est le cas ici, sous la direction agile, attentive et relevée d’Hélio Vida.

Hope Neslon en Cendrillon (au centre), avec ses sœurs Clorinda à gauche (Harpa Ósk Björnsdóttir) et Tisbe à droite (Joyce Bastos) et Don Ramiro au-dessus (Ervin Ahmeti) © Ingo Höhn
Sur scène ensuite, la taille n’empêche pas le plaisir. Malgré une aire de jeu réduite –un cadre, une porte, des dégagements minuscules– les interprètes conduits par Tilman aus demSiepen déploient un jeu très rythmé, aux gestes précis et drôles, soulignant des malentendus ou l’obséquiosité de courtisans. Et ça commence dès le début : le panneau des surtitres mal réglé –trop bas, puis trop haut– les paroles censées aider le public qui défilent de plus en plus rapidement, clin d’œil à la signature musicale de Rossini, connu pour ses partitions à progression rythmique exponentielle. Mention spéciale pour ce décor d’Oscar Mateo Grunert, plein d’inventions malgré un cadre restreint.
Une Cendrillon à suivre
Le casting tiré dévoile une évidente complicité parmi les interprètes, avec Hope Nelson qui survole le rôle-titre de Cendrillon : tendre, drôle, volcanique, magnanime, revancharde, sa palette est large autant que son aisance, notamment dans les nombreuses vocalises bel canto. Ce sera l’écueil pour Ervin Ahmeti en prince Don Ramiro, dont les vocalises sont parfois poussives et malhabiles. Mais le timbre très chaleureux et boisé du ténor et son jeu de scène investi et tendre font merveille. On citera aussi le père de CendrillonDon Magnifico à mourir de rire de Marius Aron. Les autres rôles sont bien campés, notamment les sœurs Tisbe et Clorinda (Joyce Bastos et Harpa Ósk Björnsdóttir) ainsi que Dandini (Nathan Schludecker).
L’occasion d’une belle leçon
Très à-propos, tout à fait dans l’esprit du dernier opera buffade Rossini, aussi travaillée qu’amusante, aussi comique que pertinente, propre à souligner nos travers si humains, cette Cenerentola est de haute qualité, malgré un orchestre et une scène réduites. On peut tirer deux leçons de cette production, saluée debout par le public bâlois : on peut travailler sérieusement un spectacle comique, et il ne faut pas confondre se prendre au sérieux et être sérieux. Capisce Signor Schibli ?
La Cenerentola, G. Rossini
Theater Basel
Prochaines dates : 19, 22 et 25 octobre, 9 novembre, 28 et 31 décembre puis en 2026.
