Anecdotes Covid de Sens

Nos rédacteurs nous racontent avec humour et poésie leur expérience de confinement en cette période d’épidémie, nous rappelant que chacun d’entre nous tirera sa petite histoire de cette étrange tranche de vie !

Mina

Je suis si rarement à la maison que j’oublie tout le temps où sont rangées mes affaires. Je dois régulièrement demander à nos chats – nos locataires – de me guider à leurs écuelles! Faut dire que notre appart ressemble à un bazar oriental, mix entre le souk de Bagdad, la mosaïque de constructions improbables de Kaboul et la place Jamaa el Fnaa à Marrakech. Le confinement s’est donc dévoilé comme un moment propice pour faire connaissance avec notre chez nous. Ultramotivée, je me suis dit que j’allais tout réorganiser de A à Z. Ca fait 3 semaines qu’on est claquemuré dans un 60 mètres carrés et je n’ai pas encore plié un string! Entre les appels à la famille, aux amis et aux partenaires qui ressemblent à un coup de fil de condamné dans le couloir de la mort (durée moyenne 2h37), les cours de sport des copines en ligne pour garder la ligne, les plats mijotés en mode chef quelques poussières d’étoiles et le télétravail, je n’ai plus une seconde à moi. Je suis carrément plus efficace en temps normal. Faut juste que j’accepte que ce confinement dévoile au grand jour un fait: je ne suis pas du tout une fille idéale à marier!

 

Rayane

Avant que la tornade Covid19 ne chamboule nos vies il y a quelques semaines, je ne réalisais pas vraiment l’impact direct que cela pouvait avoir sur ma vie. Aux prémices du confinement en France, je me rends à Londres. Insouciant – comme d’ordinaire –  je ne prends que mon passeport avec moi. Tout content je m’évade pour profiter de cette ville que j’adore. Dès l’annonce du confinement et suite aux durcissement des règles de vies communes, arrive le moment de rentrer dans ma cat gang house à Genève. Je me retrouve à l’aéroport direction la Suisse et là le drame: British Airways refuse mon embarquement car je n’ai pas mon permis B de résident genevois prouvant que je vis bien à Genève ! Pris de panique, je me voyais déjà résolu à repartir sur Paris ou voir pire, bloqué à Londres. Quand surgit de mon ombre, mon duo aux ressources insensées, dégaine mon exeat me permettant finalement d’embarquer. Merci encore à mon post-it vivant de prévoir l’imprévisible. Après 3 semaines de confinement, elle regrette amèrement cette assiduité administrative. 

 

 

Yessine

Confiné H24, il a quelques jours, je décide de sortir m’acheter des cigarettes. Et histoire de faire d’une pierre deux coups, j’y vais à pied pour me dégourdir les jambes. Chemin faisant, je croise trois adolescents qui par esprit de dissidence ont envoyé balader les panneaux prohibant toutes activités sportives ou récréatives dans le parc! La tension monte. Je poursuis et rencontre mon ami, policier en repos, avec lequel j’observe une distance de sécurité de 4 mètres, parano oblige. Et là surgit de nul part, deux familles nombreuses qui traversent d’une part et d’autre le trottoir pour se rejoindre et s’enlacer! Mon ami les interpelle en leur rappelant les consignes sanitaires à respectercontre le COVID19. Leur réponse? C’est la famille! Dans ma tête? Un film et un rôle : American Psycho et Patrick Bateman tuant, éviscérant, dépeçant, égorgeant, étripant et torturant cette société moderne où triomphe l’égoïsme sur l’empathie. Je suis vite renté serrer bien fort mes parents que j’adore et avec lesquels je vis. Où comment transformer un bain d’hémoglobine avorté en amour illimité. 

 

 

Aurore

En cette période si singulière il faut savoir s’adapter à la situation. Après une semaine passée en isolement chez elle, une de mes amies m’a appelé sur Skype, contrariée.Son souci ? Sa frange. Tous les salons de coiffure étant fermés, elle se retrouvait coincée chez elle avec une mèche de cheveux trop courte pour être domptée par une barrette et trop longue pour lui permettre une bonne vision périphérique. Notre décision fut alors prise : nous devions gérer cette mini-crise. Armées de nos webcams, d’une bonne paire de ciseaux de son côté, d’un tutoriel « comment couper sa frange » du mien, nous étions parées. De cette expérience de confinement nous devions alors retenir comme leçon, 10 minutes plus tard, que couper une frange n’est pas donné à tout le monde. Le côté positif, en plus de notre quart d’heure de fou-rire, c’est que le confinement laissera le temps à sa frange de repousser, et que personne n’en saura rien. Sauf vous bien sûr.

 

 

Alexandre

L’autre jour, un jour de COVID-LIFE comme un autre, c’est-à-dire morne et anxiogène, je me retrouvai sans gruyère pour mes tagliatelles au poulet sauce crème champignon. Comme vous le savez tous, mon addiction au gruyère est incurable et je devais donc prendre une décision rapidement. Il était 18h30, le temps pressait. Il me fallut quatre minutes pour trouver le grand M et seulement deux de plus pour comprendre où je venais d’arriver. Partout autour de moi, je découvrais des hommes et des femmes munis de masques et de gants poussant de grands chariots débordants. Tantôt rugissant, tantôt grognant derrière leur cache microbes, ils me cernaient. Ni une ni deux, je pris mon courage à deux mains et me décidai à retrouver mon fromton.  Je fis alors ce que toute personne sensée aurait fait : Jul dans les oreilles et le mode combat activé. Deux minutes plus tard, j’étais au rayon fromage et yaourt et je dansais comme petit un fou, comme avant le COVID, et j’oubliai tout le monde, le temps d’un parmesan.

 

 

Ambre

L’autre jour, il y a eu un superbe coucher de soleil. J’ai vu le ciel s’embraser en des teintes flamboyantes au-dessus des reliefs sinueux des montagnes jurassiennes. En bas, j’ai vu les arbres en floraison et j’ai entendu le chant lyrique des oiseaux qui annonce le retour des beaux jours. L’autre jour, je me suis émerveillée devant le spectacle de la nature et j’ai repensé à cette phrase de Matisse : « Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir ». 

 

 

Ameidie

Je m’étais enfin décidée à m’inscrire au fitness et à m’y tenir d’une rigueur de fer, quitte à ralentir ma consommation de séries. Néanmoins, voilà que la vague coronavirus a déferlé sur notre monde, nous forçant à nous confiner et à revoir notre quotidien… Qu’à cela ne tienne, la communauté des influenceurs de fitness m’a inspirée tel le slogan de Nike à sortir mon matelas de yoga poussiéreux et ma motivation de derrière les fagots. J’avais tout prévu : la tenue de sport, la gourde d’eau, le tapis et le volume à fond. Sauf un détail qui m’avait échappé… tenter de faire des arabesques et des longueurs dans une salle de sport ça fonctionne. Le faire dans sa chambre coincée entre un lit, une armoire et un mur un peu moins. Après m’être cognée moultes fois, j’ai dû me rendre à l’évidence et retrouver mon canapé douillet. A défaut de pouvoir courir un marathon, je suis désormais prête pour un marathon des films Ghibli.

 

Gharib

L’annonce tombe ! C’est le confinement jusqu’à nouvel ordre. Une petite pensé aux parents qui prendront la mesure de la joie d’une proximité prolongé avec leur enfants. Et voilà la fin des promenades bucolique, du petit marché hebdomadaire sans justificatif, du petite verre à la terrasse d’un café en fin de semaine. L’heure est maintenant à la vie de poisson rouge, aux balades en intérieur, au petit marché à durée limité et avec justificatif et au petit verre au balcon. C’est un moment propice à nouvelle activité forte distrayante, regarder passer les voitures et les gens en prenant son petit-déjeuner à treize de l’après-midi, découvrir les joies du travail du jardin en mode débroussaillage, plantage et démontage de palettes de bois pour créer des carrés potager, sortir faire ces courses avec son petit gel hydroalcoolique, en inventant des subterfuges pour ne rien toucher. 

 

 

Mathieu

L’autre jour, suite à des heures de recherche à la Bibliothèque Municipale et des réunions de crise à plus de cinq personnes, mon verdict tombait et il était sans appel: Le corps médical, à la solde des Illuminatis, complote afin que la population n’ait pas accès à la chloroquine. Les instances politiques n’ont rien à voir là-dedans, il s’agit d’une volonté de l’ensemble du personnel soignant s’estimant lésé face au combat contre le Covid-19. De retour chez moi, j’ai également fait des recherches sur le Darkweb et Pornhub Premium (gratuit partout dans le monde jusqu’au 23 avril). J’ai ainsi découvert que tous les métiers liés aux soins, tous sans exceptions, échangeaient des messages sur des forums obscurs  avec la volonté cachée de réduire drastiquement la population genevoise. Mobilisez-vous chers/ères lecteurs/trices! Il est encore temps de les arrêter…

 

 

Pierrem

Le télétravail, c’est l’avantage d’être disponible pour réceptionner les commandes de vin à domicile. C’est aussi fureter sur les bonnes occasions de vieux millésimes sur des sites tout-moisi-hors-du-radar. C’est s’excuser auprès des bouteilles de sa cave qui n’ont pas été retenues pour le confinement et leur dire que leur tour viendra, que là c’est la crise. Le confinement, c’est aussi ne plus oser partager avec son pote de dégust’ médecin les quilles déguillées. Mais on se rattrapera. A bientôt, et quand ce sera fini, qu’on ne vienne pas nous gourmander avec des discours hygiéno-propagandistes sur le vin. Santé avant tout !

 

 

Soraya 

Il y a encore trois semaines, je vantais la résistance de mes deux enfants auprès des autres mamans : « Cette hiver, mes fils n’ont pas été malades, pas une seule fois ! ça doit être parce que je les laisse traîner leurs mains n’importe où pour qu’ils fassent leurs immunités… » Puis, il y a eu le confinement. Et là, tout a basculé. Mère un peu laxiste fût un temps, je suis devenue une mère hystérique. Dorénavant, chaque sortie est un véritable calvaire pour mes deux pauvres chérubins. « Lavez-vous les mains! Ne touchez à rien ! Pourquoi t’as gratté ton nez ? »  Le gel hydroalcoolique est leur plus fidèle compagnon. Et puis c’est arrivé. Huit jours après le début du confinement. Le plus jeune a un petit rhume, il toussote et il a une fièvre légère, très légère, juste assez pour t’inquiéter, au moins un peu. Et là, une multitude de questions me perfore.  Un virus?  Lequel? Et surtout comment il l’a attrapé vu que ça fait plus d’une semaine qu’il ne voit personne à part nous et que ses mains sont aussi désinfectées qu’une salle d’opération… Question qui restera sans réponse. Mais l’important, c’est qu’il aille bien maintenant.

 

 

Vincent 

Misanthrope mais de gauche, introverti mais festif, j’ai toujours eu de la peine à choisir mes styles vestimentaires. Pourtant, je voyais bien que d’aucuns de mes concitoyens pratiquaient la méthode “premier de chaque pile”, et me trouvais fort marri devant tant d’aisance dans l’abject. Jaloux même. Ainsi j’étais toujours partagé entre des fringues ultra-flashy et du normcore de frippes de luxe, avec le risque toujours du FFP – le Fashion Faux-Pas, à ne pas confondre avec ces masques médicaux qui valent plus que des bitcoins. Mais cette pandémie m’a permis de réaliser que pour une fois j’avais une bonne raison de m’habiller comme je l’entendais. Alors qu’en temps normal, j’ai plus de scrupules à faire péter le fantasque, là je suis allé faire les course en long manteau noir, bottines noires, gants en cuir noir eux aussi et un immense chapeau de feutre noir. En temps normal, je passe pour un weirdo de l’enfer; dans le cas qui nous occupe, ma voisine que je croisai en sortant me lança dans cet anglais germanisant que je ressemblait à un “plague doctor” – cette image archétypale de masque ornitomorphe de la Grande Peste du Moyen-Âge. Je lui ai répondu avec enthousiasme que c’était le meilleur moment. Bon voilà, sinon lavez-vous les mains et grève des loyers !