Alber Elbaz, le sourire de la mode

Alber Elbaz chez Lanvin, ©Tim Walker

Il était l’une des figures les plus appréciées du monde de la mode. Alber Elbaz, créateur au sourire contagieux, visionnaire qui avait fait de la silhouette féminine un exquis mélange entre élégance et insolence, et marqué la mode de sa sensibilité, s’est éteint en avril dernier des suites du coronavirus à l’âge de 59 ans. Il avait révolutionné Lanvin, et apporté son regard unique sur le corps féminin chez Yves Saint Laurent, avant de lancer seulement en ce début d’année 2021 son propre label, AZ Factory. Admiré de ses paires, adoré du monde de la mode, Alber Elbaz et son âme créative sans pareil auront marqué d’un sceau tout particulier les 20 dernières années de la mode française. Amoureux de tradition et résolument visionnaire, il s’éteint avant d’avoir la chance de partager sa vision à travers son label porteur de valeurs qu’il a toujours injectées dans son travail. Sa disparition a engendré une vague d’hommages et une déferlante d’émotions sur les réseaux sociaux, démontrant une nouvelle fois que le designer restera l’enfant chéri de la mode française. 

Un créateur sensible et visionnaire

Des lunettes aux montures noires et imposantes, un noeud papillon qui ne le quittait pas, un sourire, une personnalité lumineuse incomparable. Alber Elbaz était une véritable étoile dans la constellation mode de ces dernières années. Lorsque son nom est prononcé, impossible de ne pas penser à la maison de couture Lanvin, son terrain de jeu durant 15 ans dont il fut le directeur artistique avant d’être tristement congédié par Shaw-Lan Wang, propriétaire de la maison, suite à des désaccords entre la femme d’affaire et le créateur. La nouvelle avait secoué le monde de la mode, dont il avait reçu un soutien sans faille. Celui qui avait réveillé la maison dès l’an 2001 par son oeil visionnaire, ses fortes valeurs de féminités et d’élégances, avait réussi à convaincre dès sa première collection. Bernard Arnault, CEO de Moët Hennessy Louis Vuitton déclarait à l’annonce de son décès, « L’industrie de la mode a perdu l’un de ses designers les plus brillants et les plus sensibles. Sa créativité, à la fois irrévérencieuse et élégante, ne sera jamais oubliée ». Les hommages au créateur se sont multipliés sur les réseaux sociaux, soulignant sa bonne humeur constante, son sens de l’humour sans pareil, mais par-dessus tout le souffle visionnaire qu’il avait réussi à faire passer sur la mode à l’aube du 21ème siècle. Designer gracieux dans ses créations, il l’était aussi dans sa vie, un homme salué par ses paires sans jalousie ni faux semblants, une personnalité qui avait su conquérir le coeur de chacun.

Alber Elbaz, ©L’Officiel Belgique

Ses créations plaçaient la femme au coeur. Des tenues parfois excentriques, mais toujours confortables et empruntes d’une élégance irremplaçable, qui portaient un objectif clair : donner confiance en elle à la femme qui la porterait, la rendre belle, lui donner ce dont elle à besoin. La rendre heureuse à travers la mode. Son désir s’est transformé en réalité, les femmes du monde entier convoitant ses créations presque impossibles à catégoriser, ces vêtements pensés par celai qui avait réussi à dépoussiérer l’une des maisons de couture française les plus anciennes tout en respectant ses codes et valeurs.

 

Un amoureux du véritable monde de la couture

Après son renvoie de chez Lanvin, et suite à ses expérience dans diverses maisons à l’image d’Yves Saint Laurent ou Guy Laroche, Alber Elbaz ne se retrouvait plus dans le monde actuel de la mode. En 2015, après avoir reçu le Prix Fashion Group International, il déclarait « Nous les designers nous avons commencé comme couturiers, nous demandant, que veulent les femmes ? (…) Et maintenant nous sommes des créateurs d’images, nous devons créer le buzz. (…) L’intensité, crier plus fort que les autres, c’est devenu cool, et pas seulement dans la mode. Mais moi je préfère murmurer ». C’est peu-être à ce murmure qu’il aurait souhaité revenir avec la création d’AZ Factory. Une marque qui reprenait des valeurs lui étant chères, mêlant artisanat et technologie, « une mode intelligente qui prête attention ». Véritable retour à zéro pour le créateur, ce projet lancé en janvier dernier était la quintessence d’une mode féminine qui ose, de la couture telle qu’elle se définit initialement, des vêtements faits pour les femmes, et pour qu’elles s’y sentent bien. Si le rêve fut trop court, l’héritage Elbaz lui perdura.

Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue US résume peut-être le mieux ce que cet homme désirait, et quelles étaient ses valeurs. « Alber me disait toujours, ‘je ne suis qu’un couturier’. Et il l’était, si par cela nous comprenons quelqu’un qui désire et est capable de créer quelque chose que les femmes adoreraient porter – et un incroyable instinct pour savoir comment elles se sentiraient en le portant ».  Alber Elbaz était une étoile de la mode. Une étoile sensible et brillante, qui voyait dans la mode ce qu’elle était vraiment. Une étoile qui s’est éteinte trop tôt, et qui avait encore tant à faire briller.