ABBATIA PERENNIS

La Suisse recèle de bien nombreux trésors archéologiques et culturels. À Saint-Maurice, dans le canton du Valais, l’Abbaye, fondée il y a plus de 1500 ans par le roi des Burgondes Sigismond, demeure à ce jour le plus ancien monastère d’Occident habité sans discontinuité. Situé à l’emplacement du tombeau de saint Maurice et de ses compagnons de la Légion thébaine, l’Abbaye se présente comme un lieu aussi prestigieux qu’inébranlable, rempli d’histoire et de spiritualité, qui perdure à travers les siècles, logé au pied d’un immense rocher. 

ENTRE HISTOIRE & LÉGENDE

La légende raconte qu’aux alentours de l’an 300, des soldats faisant partie de la Légion thébaine reçurent l’ordre par l’empereur Maximilien de tuer tous les habitants convertis au Christianisme vivants au nord des Alpes dans la région actuelle de Martigny. Maurice et ses compagnons, tous chrétiens, refusèrent d’exécuter ces ordres apostats, ce qui leur valut d’être décimés les uns après les autres et ensevelis sur les lieux. Vers 380, les restes des martyrs ont été déplacés par Théodule, le premier évêque connu du Valais, sous la falaise où il fit construire la toute première basilique. Dès les années 400, les premiers pèlerins viennent jusqu’à Agaune afin de rendre hommage aux reliques de saint Maurice. C’est à ce moment que la première communauté religieuse est mise en place afin de venir en aide aux visiteurs, puis en l’an 515, le monastère fut créé à l’initiative du roi burgonde Sigismond. Favorisé par sa situation géographique – Saint-Maurice se trouve sur la route du col du Grand-Saint-Bernard qui était fortement empruntée par les pèlerins se rendant à Rome par la Via Francigena et les marchands voyageant entre le nord de l’Europe et l’Italie du Nord – l’Abbaye est rapidement devenue un édifice religieux de première importance. Le 22 septembre 515, la « Laus Perennis » (louange perpétuelle) est inaugurée au monastère. Elle perdurera pendant plus de deux siècles. Quant aux moines qui vivent à Saint-Maurice, après avoir changé de règles plusieurs fois, ils adoptèrent en 1128 la Règle de saint Augustin et devinrent ainsi des chanoines, ce qu’ils sont toujours à ce jour. 

Site archéologique de Martolet, © Tera sàrl 2009

UN PATRIMOINE MILLÉNAIRE

Au long de son histoire, l’Abbaye a subi divers agrandissements, transformations, destructions et reconstructions. Le parcours de visite mis en place permet de saisir l’évolution de ce complexe religieux depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui. La visite commence par la basilique qui date du 17e siècle bien que certains éléments proviennent des siècles antérieurs comme les arcs gothiques, alors que d’autres parties sont bien plus récentes tels les vitraux ou la porte principale mise en place à l’occasion du Jubilé de l’an 2000. Quant au clocher, il a été reconstruit dans son aspect du 11e siècle après avoir été décapité par un rocher en mars 1943. Coincé entre la basilique et la falaise, et protégé par une toiture translucide suspendue au rocher, le site archéologique, aussi appelé site du Martolet, met en lumière les différents édifices religieux qui se sont succédés au fil du temps et leurs nombreuses transformations, dont le changement d’orientation opéré au 17e siècle en raison de dangereux éboulements. La suite de la visite se poursuit à travers les anciennes catacombes avant de découvrir le Trésor abbatial qui conserve plusieurs chefs d’œuvre de l’art médiéval offerts à l’Abbaye, parmi lesquels l’aiguière dite de Charlemagne, le chef reliquaire de saint Candide et bien d’autres joyaux d’orfèvrerie. Enfin, le parcours se termine par le cloître, qui offre un espace propice à la contemplation. Une étonnante visite à travers des siècles d’histoire chrétienne qui charmera même le moins spirituel des visiteurs. 

Aiguière dite de Charlemagne, Empire carolingien, 2e moitié 9e siècle © Trésor de l’Abbaye de Saint-Maurice. Photo Jean- Yves Glassey et Michel Martinez