L’année en six battements Sonores

Bad Bunny, bloc de soleil sur fond de braise : la nonchalance assumée, l’attitude taillée au cordeau. Un regard qui groove plus fort qu’un beat latino (c) DR

Pour cette fin d’année, la rédaction de Go Out s’est replongée dans les sorties musicales qui ont marqué nos playlists, nos voyages en train, nos soirées d’été et nos introspections nocturnes. Voici les six albums qui ont façonné 2025 et que l’on vous recommande les yeux fermés. Coup de projecteur.

Bad Bunny — DeBÍ TiRAR MáS FOToS (5 janvier)
Bad Bunny ouvre l’année avec un uppercut sonore et identitaire. “Debí Tirar Más Fotos” n’est pas seulement son sixième album : c’est une déclaration d’amour à Porto Rico, entre fièvre reggaeton, poésie brute et colère contenue. À travers les beats, l’artiste documente la gentrification de son île, la crise sociale, l’exil forcé. Dans “LO QUE LE PASÓ A HAWAii”, il pointe du doigt l’appétit américain pour les côtes caribéennes. Le ton est grave mais la musique, elle, reste brûlante, dansante, magnétique. Nos obsessions : “Nuevayol”, “Turista”, “La Mudanza”.

Damso — BĒYĀH (30 mai)
Damso revient avec “BĒYĀH”, un album dense, crépusculaire, où chaque mot semble avoir été taillé comme une pierre noire. Le rappeur bruxellois s’y dévoile à demi, alternant confessions murmurées et coups de scalpel lyrical. C’est brut, élégiaque, parfois dérangeant — toujours maîtrisé. Une exploration de l’identité, du corps, des racines, menée avec cette signature damsoïenne : l’art de dire sans tout dire. Nos titres coup de cœur : “impardonnable”, “JCVDEMS”, “Kaki” & “Wolof”.

Little Simz — Lotus (6 juin)
Little Simz signe avec Lotus l’un des albums les plus flamboyants de l’année. La rappeuse britannique y navigue avec une aisance déconcertante entre boom bap 90’s, afro-caribéen, nu soul et jazz contemporain. Le titre “Flood” — tacle cinglant à l’industrie — donne le ton : Simz frappe fort, belle et précise, comme une athlète du verbe. Elle qui, enfant, rêvait de devenir footballeuse, joue ici un dribble parfait entre les styles. Lotus respire l’aisance, la force et la renaissance. À écouter en boucle : “Flood”, “Only” & “Lion”.

Olivia Dean — The Art of Loving (26 septembre)
Deux ans après “Messy”, Olivia Dean revient avec un album lumineux, sensuel, presque thérapeutique. The Art of Loving explore l’amour sous toutes ses formes — tendre, maladroit, éclatant, déchirant — dans une pop-soul délicate et maîtrisée. La chanteuse affirme son univers : une douceur qui n’occulte jamais la profondeur, une voix qui console autant qu’elle secoue. Un disque qui fait du bien. Nos morceaux favoris : “Nice to each other”, “Lady lady” & “Loud”.

The Last Dinner Party — From the Pyre (17 octobre)
Après “Prelude to Ecstasy”, The Last Dinner Party revient avec un album totalement irrésistible : théâtral, baroque, exalté. “From the Pyre” convoque sorcières modernes, féminité en feu, échos queer et luttes collectives, dans un son à la croisée du rock opératique et de la pop ultra-mise en scène. Le groupe pousse tout plus loin : les arrangements, les chœurs, les références. Leur single “This is the Killer Speaking” confirme qu’ils sont prêts à conquérir autant les scènes de festivals que les salles d’opéra. Oui, rien que ça. À ne pas manquer : “This is the Killer Speaking”, évidemment.

Rosalía — Lux (7 novembre)
Avec Lux, Rosalía signe son œuvre la plus audacieuse à ce jour : une cantate contemporaine, chantée en treize langues, embrasée de mystique et de classicisme réinventé. Ici, elle cherche plus qu’un son : elle cherche l’élévation. Le résultat ? Une traversée spirituelle, presque initiatique, où voix, orchestration et dramaturgie se répondent. Lux n’est pas un album : c’est une ascension, un chef d’œuvre. Nos moments de grâce : “Mio cristo piange diamanti”, “Berghain”, “La rumba del perdon” & “Magnolias”.

Si 2025 a une bande-son, c’est incontestablement celle de ces six projets : engagés, puissants, intimes, visionnaires. Des albums qui n’ont pas seulement accompagné l’année, mais qui l’ont façonnée, qui l’ont racontée autrement, à travers leurs fractures, leurs fêtes, leurs blessures et leurs élans de lumière. Chacun d’eux capture quelque chose de l’époque — une peur, une colère, un désir d’émancipation, une quête spirituelle, une envie de danser malgré tout. Ils témoignent d’un monde qui gronde et qui, pourtant, cherche encore la beauté, la réconciliation, la magie dans les détails. Ils sont la preuve qu’en 2025, la musique n’a pas seulement diverti : elle a réuni, réveillé, réparé. Et parfois, elle a fait tout ça en même temps.