Libérez votre Part de Feu!

La Part de feu ©DR

Porter des récits fragmentés, jongler entre deux réalités culturelles, craindre la perte de ses racines. C’est ça La Part de Feu, une pièce de théâtre qui incarne cette complexité, sera présentée le 15 novembre aux Créatives, à la salle Pont Favre. Era Malaj, Fjolla Elezi, Marion Agoston et Félicia Baillard, de la compagnie Désenchanté-e-s, explorent avec humour, sensibilité et honnêteté les défis de la double culture dans les communautés albanaises. Nous avons rencontré Era Malaj, à l’origine du projet, qui nous raconte comment libérer sa part de feu.

 

En quoi votre vie en tant qu’enfant issu de l’immigration albanaise a inspiré la Part de Feu ?
Lorsque j’ai lancé ce projet, les questions identitaires et le sentiment « d’être « étrangère ici, étrangère là-bas » flottait toujours en moi. J’ai grandi à Meyrin, un environnement interculturel. Nous portons l’histoire de nos parents et grands-parents, souvent transmise par des histoires, des chansons, des textes, des films. C’est ce bagage que les enfants d’immigrés portent en eux, sans même l’avoir vécu. Dans La Part de feu, nous racontons quatre histoires, inspirées des comédiennes. *Celle de Fjolla, aussi issue de l’immigration albanaise, Félicia 100 % suisse qui est immergée dans ces questionnements, et Marion, de la troisième génération *d’immigration, qui a perdu le lien avec la culture de ses grands-parents.

Pourquoi était-il important pour vous de raconter ces histoires ?
On parle souvent de l’immigration, mais rarement de la « post-migration », des enfants d’immigrants qui n’ont pas un parcours migratoire à proprement parler, qui ont grandi en Suisse, mais dont les origines, les codes et parfois les langues diffèrent. En grandissant, on développe une « seconde peau » pour s’adapter : on apprend à être d’une certaine manière à la maison, et complètement différent à l’extérieur. C’est une dualité, presque une double vie, qui touche bien plus de gens qu’on ne le pense et qui soulève des questions universelles.

C’est votre première pièce de théâtre. Comment s’est déroulé le processus de création ? Qu’est-ce qui vous a surpris ?
Je me suis entourée des comédiennes autour de ce concept il y a un an. Nous avons démarré avec un corpus de textes, puis entamé un travail intense de coécriture. Chacune apportait sa sensibilité, son parcours, ses mots. Nous avons lu, fait des interviews, regardé des documentaires, sondé. Après un an, nous avions un spectacle, qui est d’ailleurs en perpétuelle évolution. Ce qui nous a surpris, c’est qu’on avait du contenu pendant quatre heures…

Pour vous, qu’est-ce qui fait une bonne pièce de théâtre ?
C’est un peu difficile à répondre. Pour moi, c’est une pièce qui vous touche ou qui vous fait rire, réfléchir ou où l’on se sent représenté. Une pièce qui ne nous ennuie pas.

Que souhaitez-vous que cette représentation aux Créatives apporte au public et à la pièce ?
Premièrement, je suis hyper fière qu’on puisse présenter notre pièce dans le cadre d’un festival 100% féministe à la programmation incroyable ! C’est fou. Ensuite, l’un de nos grands objectifs est d’amener un public plus jeune au théâtre, et de le rendre plus accessible, lui donner un côté moins élitiste.

Quels autres spectacles ou artistes avez-vous l’intention de voir aux Créatives ?
J’aimerais aller voir le spectacle Troubles, de Virginies Despentes Virginie Despentes, Béatrice Dalle, Casey et Zëro et Tir Sacré de Marine Colard.

Comment gérez-vous le stress avant de monter sur scène ?
La veille, je suis très stressée. Mais une fois sur place, entourée de mes *co*équipières, ça va mieux. On n’est pas seules, on sait que dans le pire des cas, on peut compter les unes sur les autres. Le jour même, l’excitation prend le dessus : c’est le moment de jouer, de partager le fruit de tout ce travail.

En tant qu’actrice, préférez-vous le théâtre ou le cinéma ? Avez-vous des limites dans le jeu ?
Le théâtre est ma passion depuis toujours, c’est le fil conducteur de ma vie. Pour l’instant, je ne me vois pas faire autre chose. Jouer, que ce soit au théâtre ou au cinéma, c’est pour moi l’art de se transformer et de raconter une histoire. Ce que j’adore, c’est ressentir des émotions qu’on ne vit pas dans la vie de tous les jours, se mettre dans des états complètement différents. Si je pense aux limites, ça me rappelle le moment où j’ai commencé mes études de théâtre, j’étais l’une des rares issues de l’immigration. On me poussait souvent dans un rôle « exotique » d’Albanaise, et on me faisait parler en albanais. Aujourd’hui, il est important pour moi de ne pas être cantonné à ce rôle, mais d’écrire pour nous (issus de l’immigration), de nous représenter par nous-mêmes, au-delà des stéréotypes.

Enfin, que diriez-vous à quelqu’un pour le convaincre de venir voir La Part de feu ?
Vous aimerez ou non, mais vous ne vous ennuierez pas. Ce n’est pas une pièce de Molière, on parle comme dans la vraie vie, et le rythme est différent. Elle touche à des émotions profondes, on y parle de douleurs intériorisées, souvent difficiles à exprimer. La communauté a réagi avec beaucoup d’émotions. On a été heureuses de constater que cette pièce rassemble le public, peu importe l’âge et l’origine, un moment où on libère sa part de feu !

 

Les Créatives x UPA
La part de feu – 18h30 – 21h

Point Favre
6, Avenue François-Adolphe-Grison
1225 Chêne-Bourg

Billets : https://infomaniak.events/shop/k98z24j3BN/event/1281924/